Xiaomi développe son processeur mobile pour innover
Le géant chinois des smartphones Xiaomi s'apprête à franchir un cap majeur. Selon l'agence Bloomberg, l'entreprise prévoit de lancer son propre processeur mobile afin d'équiper une partie de ses appareils et de réduire sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs externes comme Qualcomm et Mediatek. Un moyen ambitieux de se différencier sur le marché ultra-concurrentiel des smartphones Android.
Vers des processeurs Xiaomi gravés en 3 nm
Bien que Xiaomi n'ait pas encore confirmé officiellement la nouvelle, celle-ci ne fait guère de doute. Le mois dernier, un responsable politique chinois avait en effet évoqué ce projet dans une vidéo en ligne, qui a été rapidement retirée. Mais Bloomberg a pu obtenir des détails supplémentaires de sources proches du dossier.
Le futur processeur mobile de Xiaomi serait ainsi gravé selon le procédé dernier cri en 3 nm. Une prouesse technologique encore inédite pour une société chinoise. Sa production en série devrait débuter l'an prochain, vraisemblablement chez le géant taïwanais TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) qui possède une avance dans ce domaine.
Se démarquer face aux concurrents Android
En se dotant de ses propres puces, à l'instar d'Apple avec ses SoC Ax, Xiaomi entend se démarquer des autres fabricants de smartphones sous Android comme Samsung, Oppo ou Vivo. La firme pourrait mettre en avant les gains de performances et d'efficience énergétique apportés par ses processeurs optimisés.
Cela lui donnerait un avantage concurrentiel et un argument marketing de poids dans un marché saturé. Les différentes marques Android se livrent en effet une bataille féroce, en particulier sur le segment milieu et haut de gamme où la course aux spécifications bat son plein.
Contrôler la conception de ses processeurs permettrait à Xiaomi de se libérer des contraintes imposées par les fournisseurs tiers et de pousser plus loin l'intégration matériel-logiciel.
Stéphane Téral, directeur de recherche chez LightCounting
Anticiper les risques géopolitiques
Au-delà des aspects technologiques et commerciaux, la volonté de Xiaomi de produire ses propres puces s'explique aussi par le contexte géopolitique tendu. Une précédente tentative infructueuse avait été lancée en 2017 suite aux sanctions américaines visant le groupe.
Bien que celles-ci n'aient finalement pas été mises en oeuvre grâce à une action en justice, cet épisode a sans doute incité Xiaomi à revoir sa stratégie pour réduire sa dépendance aux technologies américaines. Concevoir ses propres processeurs lui permettrait d'être moins vulnérable en cas de nouvelles restrictions à l'export.
C'est un enjeu crucial de souveraineté technologique pour les entreprises chinoises, alors que la rivalité sino-américaine s'intensifie dans le secteur des semi-conducteurs. D'autres acteurs comme Oppo ont aussi des projets de processeurs maison pour les mêmes raisons.
Un premier essai en demi-teinte
Il faut rappeler que ce n'est pas la première fois que Xiaomi se lance dans la conception de puces mobiles. En 2017, le groupe avait déjà produit un premier SoC baptisé Surge S1. Mais celui-ci n'avait été utilisé que dans un seul smartphone d'entrée de gamme, avant que le projet ne soit abandonné faute de performances suffisantes.
Xiaomi s'était ensuite concentré sur le développement de composants moins complexes comme des processeurs de signal d'image ou d'empreinte digitale. Mais le groupe semble désormais prêt à revenir dans la course avec un SoC haut de gamme tirant parti des dernières avancées technologiques.
Les détails techniques ne sont pas encore connus, mais on peut s'attendre à une puce intégrant les cœurs ARM les plus récents et un modem 5G avancé. Le support de fonctionnalités d'intelligence artificielle et de traitement d'image améliorées est également probable, Xiaomi misant beaucoup sur la photo sur ses modèles premium.
Défis de production et d'intégration
Produire un SoC haut de gamme n'est cependant pas une mince affaire. Xiaomi devra relever plusieurs défis :
- Obtenir un bon rendement de fabrication en 3 nm malgré la complexité du processus
- Optimiser finement l'architecture pour obtenir un bon rapport performance/consommation
- Intégrer et valider le SoC avec les autres composants et le logiciel
- Sécuriser des volumes de production suffisants auprès de TSMC dans un contexte de forte demande
Un autre enjeu sera de convaincre les développeurs d'applications d'optimiser leurs apps et jeux pour cette nouvelle plateforme. Un processus long et coûteux. Il faudra que le gain de performances soit substantiel et le parc de smartphones équipés conséquent pour les y inciter.
La route est encore longue pour que Xiaomi rattrape Apple ou même Qualcomm dans ce domaine. Mais ce projet témoigne des ambitions croissantes des géants chinois de la tech, qui veulent s'émanciper des fournisseurs étrangers pour maîtriser l'intégralité de leur chaîne de valeur. Une mutation profonde de l'industrie mobile est en marche.