La papeterie charentaise en crise : quels défis pour l’avenir ?
L'annonce de la fermeture prochaine de deux fleurons de l'industrie papetière en Charente, les papeteries Lecas à Nersac et Saint-Michel à Saint-Michel-d'Entraygues, fait l'effet d'un séisme dans le département. Au total, ce sont 135 emplois qui sont menacés, un nouveau coup dur pour ce secteur traditionnel charentais déjà fragilisé ces dernières années. Quelles sont les raisons de ces fermetures ? Quels impacts pour le territoire ? Et quelles perspectives d'avenir pour la filière papier locale ?
Lecas et Saint-Michel, deux instituions papetières en difficulté
Fondée en 1864, la papeterie Saint-Michel est spécialisée dans la production de papiers de spécialité haut de gamme. Malgré un savoir-faire reconnu, l'entreprise qui emploie 65 personnes a dû être placée en redressement judiciaire en avril 2024, faute de trésorerie suffisante. Son dirigeant pointe du doigt la flambée des coûts de l'énergie qui a contraint à l'arrêt d'une machine représentant un tiers de la production.
Quelques kilomètres plus loin, c'est la papeterie Lecas, filiale du groupe Hamelin et spécialiste des articles de papeterie (agendas, cahiers...), qui va également cesser son activité. Une décision brutale qui va entraîner le licenciement des 70 salariés du site. La direction évoque un site "plus rentable".
Un secteur papetier charentais en souffrance
Ces deux fermetures ne sont malheureusement pas des cas isolés. L'industrie papetière charentaise, historiquement très présente, traverse une passe difficile depuis plusieurs années :
- Concurrence accrue des producteurs étrangers
- Baisse de la consommation de certains produits papier (courrier, presse...)
- Hausse du coût des matières premières et de l'énergie
- Nécessité d'investir pour moderniser l'outil de production
Autant de défis qui fragilisent les acteurs du secteur, notamment les plus petites structures moins armées pour y faire face. Selon la fédération professionnelle Copacel, la production française de pâte à papier a reculé de 3,6% en 2022.
Les conséquences pour le territoire
Au-delà des drames humains, ces fermetures d'usines auront un impact significatif pour le bassin d'emploi et l'économie locale :
- Perte de 135 emplois directs et d'emplois indirects
- Effet domino sur les sous-traitants et fournisseurs locaux
- Manque à gagner fiscal pour les collectivités
- Perte de savoir-faire industriels
C'est un gros coup dur pour notre territoire. Ces deux entreprises faisaient vivre de nombreuses familles depuis des générations. Il va falloir tout faire pour accompagner les salariés et imaginer des solutions de rebond.
Jérôme Sourisseau, Président du Conseil départemental de Charente
Quelles pistes pour l'avenir ?
Face à cette situation préoccupante, les acteurs du secteur et les pouvoirs publics tentent de trouver des solutions pour sauvegarder la filière papetière locale. Parmi les pistes évoquées :
- Recherche de repreneurs pour les sites menacés
- Repositionnement vers des marchés porteurs : emballages, papiers spéciaux, produits biosourcés...
- Investissements dans la transition écologique des outils de production (efficacité énergétique, recyclage...)
- Soutien à l'innovation, en lien avec le Pôle d'Excellence Papier situé à quelques kilomètres
Autant de leviers qui pourraient permettre à ce fleuron industriel local de rebondir et de préserver une partie de ses emplois et savoir-faire. Une lueur d'espoir pour les salariés et le tissu économique charentais, même si le chemin s'annonce semé d'embûches.
Les exemples d'autres bassins papetiers français, comme celui des Vosges qui a réussi à se réinventer en investissant notamment dans les papiers techniques, prouvent que le déclin n'est pas une fatalité. Mais sans une mobilisation rapide de l'ensemble des parties prenantes, c'est toute une partie de l'identité industrielle charentaise qui risque de disparaître.
