L’essor de l’industrie automobile allemande en Chine
Depuis quelques années, un changement majeur s'opère dans l'industrie automobile allemande. Réputée pour son savoir-faire et la qualité de ses véhicules produits localement, l'Allemagne voit progressivement sa production migrer vers un nouveau pôle : la Chine. Cette évolution stratégique n'est pas sans conséquences pour l'économie et l'emploi outre-Rhin.
La Chine, nouvel eldorado de l'automobile allemande
En 2018, un tournant s'est opéré. Pour la première fois, les constructeurs automobiles allemands ont produit plus de véhicules en Chine qu'en Allemagne. Une tendance qui s'est confirmée depuis, faisant de l'empire du Milieu le premier centre de production des marques d'outre-Rhin.
Ce basculement s'explique par plusieurs facteurs. D'abord, le marché chinois est devenu incontournable pour les constructeurs allemands, qui y réalisent une part importante de leurs ventes. Produire localement permet de réduire les coûts et de s'adapter aux spécificités de la demande chinoise.
Ensuite, la Chine offre des conditions attractives pour la production, avec une main-d'œuvre bon marché et qualifiée, des infrastructures modernes, et un soutien des autorités locales. Des atouts qui ont séduit des géants comme Volkswagen, BMW ou Daimler.
Volkswagen, pionnier de la production automobile en Chine
Parmi les constructeurs allemands, Volkswagen fait figure de précurseur en Chine. Le groupe de Wolfsburg y a implanté sa première usine dès 1984, à travers une joint-venture avec le constructeur local SAIC. Depuis, VW n'a cessé d'étendre sa présence, comptant aujourd'hui plus d'une dizaine de sites de production dans le pays.
La Chine est au cœur de notre stratégie. C'est là que nous développons les technologies et les modèles qui façonneront la mobilité de demain.
– Herbert Diess, PDG de Volkswagen
Désormais, la Chine représente près de 40% de la production mondiale de Volkswagen. Une dépendance qui n'est pas sans risque, comme l'a montré la crise sanitaire, perturbant fortement l'activité du groupe en Chine.
Un virage stratégique qui soulève des questions
Si la délocalisation de la production en Chine offre des opportunités, elle suscite aussi des inquiétudes en Allemagne. Le pays craint de perdre des compétences clés et des emplois dans un secteur stratégique de son économie.
De plus, la montée en puissance des constructeurs chinois représente une menace pour les marques allemandes, y compris sur leur propre terrain. Des acteurs comme Geely (propriétaire de Volvo) ou BYD se lancent à l'assaut des marchés européens avec des modèles électriques performants et abordables.
Face à ces défis, l'industrie automobile allemande doit s'adapter et innover pour rester compétitive. Tout en poursuivant son développement en Chine, elle mise sur l'électrification et la conduite autonome pour préparer l'avenir. L'enjeu : préserver son savoir-faire et son leadership technologique.
Un partenariat sino-allemand à double tranchant
Au-delà de l'aspect industriel, la relation automobile entre l'Allemagne et la Chine revêt une dimension géopolitique. Berlin craint de voir son industrie phare devenir trop dépendante de Pékin, dans un contexte de tensions commerciales et technologiques croissantes entre la Chine et l'Occident.
D'où la frilosité allemande face au projet européen de taxe sur les véhicules électriques chinois. Une mesure qui viserait à rééquilibrer la concurrence, mais pourrait affecter les intérêts des constructeurs allemands, très implantés en Chine.
C'est tout le dilemme allemand : comment préserver son industrie automobile, moteur de son économie, tout en gérant les risques liés à une trop grande dépendance envers la Chine. Un équilibre délicat qui nécessitera une stratégie fine et une coopération européenne renforcée.
Vers une relocalisation de la production en Europe ?
Face à ces enjeux, certaines voix s'élèvent en Allemagne pour appeler à une relocalisation de la production automobile. Un mouvement qui peine encore à se concrétiser à grande échelle, malgré quelques initiatives.
Ainsi, Volkswagen a annoncé en 2020 un vaste plan d'investissement pour moderniser ses usines allemandes et y développer sa gamme électrique. Objectif : faire de l'Allemagne le cœur de sa stratégie d'électrification, tout en maintenant une présence forte en Chine.
Mais pour vraiment inverser la tendance, il faudra plus que des mesures ponctuelles. C'est tout l'écosystème industriel et réglementaire européen qui doit être repensé pour favoriser la production locale de véhicules propres et connectés. Un vaste chantier qui engagera l'avenir de l'automobile allemande et européenne.
Une chose est sûre : dans ce grand jeu mondial de l'automobile, l'Allemagne ne peut plus se reposer sur ses acquis. Face à la montée en puissance de la Chine et aux défis technologiques, elle doit se réinventer pour rester dans la course. Un virage aussi risqué que nécessaire, aux conséquences majeures pour son modèle industriel et son influence géoéconomique.