L’économie de guerre freine les ambitions de recrutement de l’industrie de l’armement
Alors que les carnets de commandes débordent avec la guerre en Ukraine et les besoins de modernisation des armées, un défi de taille se dresse devant les industriels français de l'armement : le manque de bras. Selon une étude de la Direction générale de l'armement (DGA), pas moins de 10 000 postes sont aujourd'hui à pourvoir dans les entreprises de défense du pays pour répondre aux enjeux d'une économie de guerre.
Une pénurie de compétences qui freine les ambitions
Alors que les chiffres d'affaires et les commandes s'envolent, dopés par les besoins générés par le conflit ukrainien, la pénurie de main d'œuvre pourrait bien devenir le principal frein à la montée en puissance de la base industrielle et technologique de défense (BITD) française. Sur les 4 500 entreprises qui la composent, près de 3 000 postes sont disponibles immédiatement selon l'enquête de la DGA réalisée auprès de 600 d'entre elles. Un chiffre extrapolé à 10 000 à l'échelle nationale.
Il y a 10 000 postes disponibles dans les industries de défense partout en France.
Emmanuel Chiva, Délégué général pour l'armement
Pour les grands maîtres d'œuvre comme pour les PME, les besoins concernent principalement des profils techniques : ouvriers qualifiés, techniciens, ingénieurs… Soudeurs, chaudronniers, monteurs, spécialistes des matériaux composites ou de l'électronique embarquée manquent cruellement à l'appel pour faire tourner les chaînes de production.
Naval Group et MBDA en première ligne
Parmi les industriels les plus touchés, Naval Group, le fournisseur de la Marine nationale, prévoit plus de 1 000 recrutements en 2025, auxquels s'ajoutent 900 alternants et stagiaires. Ses besoins portent sur des métiers très variés allant des soudeurs aux ingénieurs en passant par les électriciens ou électroniciens.
Chez MBDA, numéro un européen des missiles, la barre des 1 000 recrutements en CDI devrait également être franchie cette année en France. Face à un carnet de commandes rempli pour plusieurs années, le groupe peine pourtant à trouver certaines compétences clés comme les soudeurs dans ses bassins d'emploi.
Des recruteurs parfois trop exigeants
Si les métiers de l'industrie de défense nécessitent souvent des compétences pointues et des habilitations spécifiques, les entreprises doivent aussi faire preuve de davantage de flexibilité dans leurs critères selon le ministère des Armées. Certains recruteurs adapteraient insuffisamment leurs exigences à la réalité du marché de l'emploi.
Pour accélérer les recrutements, la DGA veut rapprocher les industriels de Pôle Emploi et développer des viviers de compétences. Elle a également lancé un dispositif de réserve de défense permettant à des salariés du privé d'être mobilisés chez les industriels en cas de pic d'activité.
Attirer et former les talents de la défense
Au-delà de l'enjeu quantitatif, c'est aussi la question de l'attractivité des métiers de l'industrie d'armement qui se pose. Face à la concurrence d'autres secteurs, la défense doit vendre ses atouts : des projets à haute valeur technologique, un sens de l'engagement, des perspectives de carrière…
Le ministère des Armées et les industriels multiplient les initiatives pour susciter des vocations, notamment auprès des jeunes : partenariats avec l'Éducation Nationale, programmes de formation, de reconversion…
Car pour répondre durablement aux besoins des armées françaises et alliées et ne pas perdre de précieux contrats, les entreprises de défense doivent pouvoir s'appuyer sur une main d'oeuvre suffisante et qualifiée. C'est tout l'enjeu des mois et années à venir pour passer d'une simple économie de guerre à une véritable industrie de défense solide et pérenne.