Dans la Somme, Eurolysine Relance l’Industrie Verte
Avez-vous déjà imaginé qu’une usine au bord de la faillite puisse devenir un symbole d’espoir pour l’industrie verte européenne ? À Amiens, dans la Somme, c’est exactement ce qui se passe. Là où les machines menaçaient de s’arrêter pour de bon, un souffle nouveau anime désormais les lieux. Eurolysine, anciennement connue sous le nom de Metex, revient sur le devant de la scène avec une ambition claire : redéfinir la production d’acides aminés tout en s’inscrivant dans une démarche durable. Ce n’est pas juste une renaissance industrielle, c’est une promesse pour l’avenir.
Un Nouveau Chapitre pour Eurolysine
Reprise en juillet 2024 par le groupe agroalimentaire Avril et Bpifrance, l’usine d’Amiens a troqué son passé tumultueux pour une vision audacieuse. Longtemps fragilisée par la concurrence chinoise et les coûts élevés du sucre, elle s’impose aujourd’hui comme un acteur clé dans la production d’**acides aminés** par fermentation. Mais ce n’est pas qu’une question de survie : c’est une transformation qui s’aligne avec les enjeux écologiques actuels.
Des Investissements Massifs pour un Redémarrage
Quand une usine change de mains, on pourrait s’attendre à une simple remise à flot. Pourtant, ici, les ambitions vont bien au-delà. Dès l’été 2024, entre **6 et 7 millions d’euros** ont été injectés pour relancer les lignes de production. Et ce n’est qu’un début : un plan d’investissement de **130 millions d’euros** sur cinq ans est déjà sur la table. Objectif ? Moderniser l’outil industriel, booster les capacités et diversifier l’offre avec des acides aminés à haute valeur ajoutée.
Ces fonds ne servent pas seulement à maintenir l’activité. Ils permettent aussi de réduire l’empreinte énergétique du site, un défi crucial dans une industrie souvent critiquée pour son impact environnemental. Les premiers projets d’optimisation énergétique sont en cours, preuve que la durabilité n’est pas un vain mot chez Eurolysine.
« Nous voulons faire d’Eurolysine un modèle de compétitivité verte en Europe. »
– Jean-Philippe Puig, Directeur Général d’Avril
Un Soutien Européen Contre le Dumping Chinois
Si Eurolysine peut envisager l’avenir avec optimisme, c’est aussi grâce à un coup de pouce venu de Bruxelles. Depuis mi-janvier 2025, des taxes provisoires anti-dumping frappent les importations de **lysine** chinoise, qui inondaient le marché à bas prix. Ces mesures pourraient être prolongées pour cinq ans dès juillet, offrant une bouffée d’oxygène à l’usine amiénoise, unique en son genre sur le continent.
Ce soutien n’est pas anodin. En protégeant Eurolysine, l’Europe mise sur une souveraineté agro-industrielle, un sujet brûlant alors que les dépendances aux importations étrangères inquiètent de plus en plus. Pour les 326 salariés du site, cela signifie aussi une stabilité retrouvée.
Emplois et Dynamisme Local
Le renouveau d’Eurolysine, c’est aussi une bonne nouvelle pour l’emploi dans la Somme. Depuis la reprise, **40 personnes** ont été réembauchées, et l’entreprise prévoit d’embaucher **35 collaborateurs supplémentaires** en 2025. Ces chiffres, bien que modestes, témoignent d’un regain d’activité qui redonne espoir à une région marquée par des fermetures d’usines ces dernières années.
Mais au-delà des chiffres, c’est une dynamique qui s’installe. Les contrats avec les fournisseurs de sucre français – comme Saint Louis, Cristal Union et Tereos – ont été renégociés pour sécuriser les approvisionnements et stabiliser les coûts. Les clients, eux, reviennent peu à peu, séduits par une production locale et responsable.
La Lysine : un Produit Stratégique
Pourquoi tant d’efforts pour une usine comme Eurolysine ? La réponse tient en un mot : **lysine**. Cet acide aminé, essentiel à la **nutrition animale**, joue un rôle clé dans l’élevage. Il permet de réduire les émissions de méthane des ruminants, un atout environnemental non négligeable. Avec une production actuelle de 35 000 tonnes par an, l’objectif est de doubler ce volume pour répondre à la demande croissante.
Mais Eurolysine ne s’arrête pas là. L’usine vise aussi à développer des acides aminés de spécialité, plus rentables que la lysine classique. Ces produits, toujours destinés à l’alimentation animale, s’appuient sur des procédés de **chimie verte**, une carte maîtresse pour se démarquer sur un marché mondial ultra-concurrentiel.
Une Vision Écologique au Cœur du Projet
Ce qui rend l’aventure Eurolysine fascinante, c’est son positionnement au croisement de l’industrie et de l’**écologie**. Contrairement à ses concurrents asiatiques, souvent pointés du doigt pour leurs pratiques peu durables, l’usine mise sur une production décarbonée. Les procédés de fermentation qu’elle utilise sont moins gourmands en ressources fossiles, un argument de poids à l’heure où la **transition écologique** devient incontournable.
Pour aller plus loin, des discussions sont en cours pour réduire encore la consommation énergétique du site. Moins d’énergie, plus d’efficacité : voilà le mantra qui guide cette renaissance industrielle. Et si tout se passe comme prévu, Eurolysine pourrait devenir un modèle pour d’autres usines en quête de durabilité.
Les Défis à Relever
Rien n’est jamais acquis, et Eurolysine le sait bien. Si les premiers signaux sont encourageants – ventes en hausse à l’automne 2024, confiance retrouvée des partenaires –, les obstacles restent nombreux. La concurrence internationale ne faiblit pas, et les prix des matières premières, comme le sucre, peuvent encore fluctuer.
Pour rester dans la course, l’usine devra aussi diversifier son offre rapidement. La recherche et développement, basée à Saint-Beauzire dans le Puy-de-Dôme, joue ici un rôle clé. C’est là que naîtront les innovations qui permettront à Eurolysine de se distinguer, que ce soit avec de nouveaux acides aminés ou des procédés encore plus verts.
Un Symbole de Relocalisation
À une époque où la **relocalisation** est sur toutes les lèvres, Eurolysine incarne une réussite tangible. En choisissant de sauver cette usine plutôt que de la laisser sombrer, Avril et Bpifrance envoient un message fort : l’industrie française peut encore rivaliser, à condition d’innover et de s’adapter. Ce n’est pas seulement une question de business, c’est une affirmation de souveraineté.
Et pour les habitants d’Amiens, c’est aussi une fierté. Après des années de désindustrialisation, voir une usine locale redevenir compétitive offre une lueur d’espoir. Le chemin est encore long, mais les fondations sont posées.
Et Après ? Les Perspectives d’Avenir
Que réserve l’avenir à Eurolysine ? Si tout se déroule comme prévu, l’usine pourrait non seulement consolider sa place en Europe, mais aussi inspirer d’autres projets similaires. Avec ses **130 millions d’euros** d’investissement, elle a les moyens de ses ambitions. Mais le succès dépendra de sa capacité à allier rentabilité et durabilité, un équilibre parfois fragile.
Une chose est sûre : en misant sur la **chimie verte** et la **nutrition animale**, Eurolysine s’inscrit dans les grandes tendances du XXIe siècle. Reste à voir si elle saura transformer cette opportunité en succès pérenne. Pour l’instant, l’histoire est en train de s’écrire, et elle mérite qu’on y prête attention.
En somme, l’aventure d’Eurolysine montre qu’une usine peut renaître de ses cendres, portée par une vision alliant écologie et innovation. À Amiens, demain se fabrique dès aujourd’hui, et ce n’est que le début.