
Pourquoi l’UE Doit Renforcer Sa Souveraineté Numérique
Et si l’Europe, berceau de tant d’innovations historiques, se retrouvait à la traîne dans la course technologique mondiale ? Cette question, aussi troublante qu’urgente, résonne aujourd’hui dans les couloirs des grandes entreprises technologiques du vieux continent. Face à un protectionnisme grandissant, notamment outre-Atlantique, et à une dépendance inquiétante envers des infrastructures numériques étrangères, des acteurs majeurs comme Dassault Systèmes ou Airbus sonnent l’alarme. Leur message est clair : il est temps pour l’Union européenne de reprendre les rênes de son avenir numérique.
Un Appel Pressant à l’Autonomie Numérique
Imaginez un continent riche en talents et en idées, mais incapable de protéger ses données ou de rivaliser avec les géants technologiques mondiaux. C’est le constat dressé par plus de 90 entreprises et organisations européennes dans une lettre ouverte adressée à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et à Henna Virkkunen, commissaire au numérique. Publiée le 14 mars 2025, cette initiative portée par des poids lourds comme Airbus, Dassault Systèmes ou encore OVH Cloud appelle à une mobilisation sans précédent pour renforcer la **souveraineté numérique** de l’UE.
Les Risques d’une Dépendance Excessive
Pourquoi cet appel résonne-t-il avec autant de force ? Parce que l’Europe repose encore trop sur des infrastructures numériques extérieures, des serveurs aux logiciels en passant par les puces électroniques. Cette dépendance expose le continent à des **risques de sécurité** majeurs : une panne, une cyberattaque ou une décision politique étrangère pourraient paralyser des secteurs entiers. Les signataires de la lettre soulignent également un impact économique : sans autonomie, l’UE perd en compétitivité face à des puissances comme les États-Unis ou la Chine.
L’Europe doit devenir plus indépendante à tous les niveaux de son infrastructure numérique critique, des applications aux puces.
– Extrait de la lettre ouverte des entreprises tech européennes
Ce diagnostic n’est pas nouveau. Déjà en septembre 2024, le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne pointait du doigt cette faiblesse structurelle. L’ancien président de la Banque centrale européenne déplorait un manque criant de financement pour les start-ups numériques, les obligeant souvent à chercher des capitaux – et parfois leur avenir – hors d’Europe.
Des Solutions Concrètes pour Reprendre le Contrôle
Face à ce tableau alarmant, les entreprises ne se contentent pas de sonner l’alerte : elles proposent des pistes d’action. Parmi elles, la création d’un **fonds d’infrastructure souverain** figure en tête de liste. Ce fonds, financé par les États membres, viserait à soutenir des projets stratégiques dans des domaines comme les technologies quantiques, les semi-conducteurs ou encore le cloud computing. L’objectif ? Réduire la dépendance envers les technologies étrangères tout en stimulant l’innovation locale.
Une autre idée forte émerge : encourager les gouvernements européens à privilégier les solutions locales dans leurs appels d’offres. Cette politique d’« achat européen » ne cherche pas à fermer les portes aux acteurs étrangers, mais à donner une chance équitable aux entreprises du continent. Un tel levier pourrait dynamiser la demande et inciter les investisseurs à parier sur les champions européens.
Les Acteurs en Première Ligne
Qui sont ces entreprises prêtes à porter le flambeau de la souveraineté numérique ? On retrouve des noms bien connus, comme Dassault Systèmes, spécialiste des solutions logicielles avancées, ou Airbus, géant de l’aéronautique aux ambitions technologiques croissantes. Mais la coalition inclut aussi des acteurs plus spécialisés, tels qu’OVH Cloud, fer de lance français du cloud souverain, ou encore l’Amsterdam Internet Exchange (AMS-IX), un hub clé pour les infrastructures réseau.
- Dassault Systèmes : leader en modélisation et simulation numérique.
- Airbus : un géant industriel aux projets technologiques ambitieux.
- OVH Cloud : pionnier du cloud européen face aux géants américains.
Ces entreprises ne sont pas seules. Des organisations comme la German AI Association ou le European Startup Network apportent leur expertise et leur poids politique à cette cause commune. Ensemble, elles forment un front uni pour pousser l’UE à agir.
Un Contexte Géopolitique Explosif
Le timing de cette initiative n’est pas anodin. Avec le retour d’un protectionnisme musclé aux États-Unis sous l’impulsion de Donald Trump, l’Europe se retrouve sous pression. Les restrictions commerciales et les tensions autour des données sensibles accentuent le besoin d’autonomie. Ajoutez à cela la montée en puissance de la Chine dans les technologies avancées, et le tableau devient clair : l’UE doit jouer ses propres cartes pour rester dans la partie.
Les entreprises signataires ne mâchent pas leurs mots : sans une action rapide, l’Europe risque de devenir un simple consommateur des innovations produites ailleurs. Une perspective qui contraste avec son potentiel, tant en termes de talents que de ressources.
Les Secteurs Clés à Réinventer
Pour reprendre la main, l’UE doit se concentrer sur plusieurs fronts stratégiques. Les signataires insistent sur une approche globale, couvrant à la fois les infrastructures physiques – comme les puces et les réseaux 5G – et les couches logicielles, incluant les plateformes d’intelligence artificielle et les applications critiques.
Le **cloud computing**, par exemple, est un enjeu brûlant. Alors que des acteurs comme Amazon Web Services ou Microsoft Azure dominent le marché, des alternatives européennes peinent à émerger à grande échelle. OVH Cloud ou Outscale tentent de renverser la vapeur, mais sans un soutien massif, leur combat reste inégal.
Nous sommes les seuls à offrir une solution d’IA générative souveraine de bout en bout.
– Représentant d’Outscale, mars 2025
Le Rôle des Start-ups dans cette Révolution
Si les grands groupes mènent la charge, les start-ups européennes ont aussi un rôle crucial à jouer. Elles sont souvent à l’origine des innovations les plus audacieuses, mais trop d’entre elles peinent à grandir faute de financements suffisants. Le rapport Draghi l’avait déjà souligné : l’écart entre l’UE et les États-Unis en matière de levées de fonds pour les scale-ups est abyssal.
La lettre ouverte propose donc de créer un écosystème favorable, où les jeunes pousses pourraient collaborer avec les géants établis. Une telle synergie pourrait donner naissance à des champions européens capables de rivaliser avec les GAFAM ou les titans asiatiques.
Et Après ? Les Défis à Relever
La route vers la souveraineté numérique ne sera pas sans obstacles. Le financement, d’abord, pose question : les États membres seront-ils prêts à mettre la main au portefeuille ? Ensuite, il faudra surmonter les divergences internes à l’UE, où les priorités technologiques varient d’un pays à l’autre. Enfin, le défi culturel reste entier : l’Europe doit apprendre à valoriser ses propres solutions, souvent éclipsées par le prestige des technologies américaines.
Malgré ces défis, l’élan est là. La coalition de 90 entreprises montre qu’une volonté collective existe. Reste à transformer cette ambition en actions concrètes pour que l’Europe ne soit plus un spectateur, mais un acteur de premier plan dans la révolution numérique mondiale.