
Framatome Investit Dans Selectarc Pour Le Nucléaire
Pourquoi une entreprise comme Framatome, géant du nucléaire, décide-t-elle d’investir dans un fabricant de métaux d’apport comme Selectarc ? La réponse réside dans un mot : souveraineté. À une époque où l’indépendance énergétique et industrielle est au cœur des préoccupations, la filière nucléaire française se réinvente. L’annonce, le 11 juin 2025, de l’entrée de Framatome au capital de Selectarc à hauteur de 40 % marque une étape décisive dans cette quête. Ce partenariat, bien plus qu’une simple transaction financière, illustre une stratégie ambitieuse pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement critiques et renforcer la position de la France dans le secteur nucléaire mondial.
Une Alliance Stratégique Pour La Souveraineté Nucléaire
Framatome, filiale d’EDF spécialisée dans la conception et la maintenance des réacteurs nucléaires, a choisi de s’associer à Selectarc, unique fabricant français de métaux d’apport pour le soudage et le brasage. Basée à Grandvillars, dans le Territoire de Belfort, cette PME de 145 salariés joue un rôle clé dans la fabrication de composants essentiels pour les réacteurs nucléaires. Mais pourquoi un tel intérêt pour une entreprise de cette taille ? La réponse est simple : les métaux d’apport, bien que discrets, sont indispensables pour garantir la fiabilité et la sécurité des circuits primaires des réacteurs.
En prenant une participation de 40 % dans Selectarc, aux côtés de l’actionnaire majoritaire Viellard Migeon & Compagnie, Framatome sécurise un maillon stratégique de sa chaîne d’approvisionnement. Cette opération s’inscrit dans une logique de relocalisation industrielle et de maîtrise des savoir-faire critiques, à un moment où la dépendance aux fournisseurs étrangers est devenue un enjeu géopolitique majeur.
« Cette prise de participation témoigne de notre engagement en faveur de la souveraineté et renforce notre chaîne d’approvisionnement. »
– Grégoire Ponchon, CEO de Framatome
Selectarc : Un Acteur Clé Dans La Filière Nucléaire
Selectarc, fondée en 1952, est bien plus qu’une simple PME. Avec un chiffre d’affaires de 44 millions d’euros et des implantations en Italie, au Canada et en Inde, elle s’impose comme un leader dans la production de métaux d’apport pour le soudage. Ces matériaux, utilisés pour assembler, réparer ou protéger les composants nucléaires, doivent répondre à des normes de qualité draconiennes, notamment celles du RCCM (Règles de Conception et de Construction des Matériels Mécaniques des îlots nucléaires). Chaque lot de production subit des tests rigoureux pour garantir un niveau d’impuretés minimal, essentiel pour la longévité et la sécurité des équipements.
L’entreprise, installée à Grandvillars et à Roche-lez-Beaupré dans le Doubs, fournit déjà des produits stratégiques à des acteurs majeurs comme EDF et Framatome. Mais cette collaboration va plus loin. Grâce à l’investissement de Framatome, sous forme d’augmentation de capital, Selectarc pourra moderniser ses outils de production et développer des produits encore plus techniques.
« Ce partenariat permettra de financer des investissements ciblés pour développer une gamme de produits très techniques, en s’appuyant sur des synergies industrielles. »
– Emmanuel Viellard, PDG de Viellard Migeon & Compagnie
Une Stratégie D’Acquisitions Pour La Souveraineté
L’investissement dans Selectarc n’est pas un coup isolé. Depuis 2020, Framatome multiplie les acquisitions pour consolider la filière nucléaire française et éviter que des savoir-faire stratégiques ne tombent entre des mains étrangères. Cette stratégie, qui s’inscrit dans une logique de relocalisation, a déjà porté ses fruits avec plusieurs opérations majeures :
- 2020 : Acquisition de l’activité contrôle-commande de Rolls-Royce Civil Nuclear, basée à Grenoble, avec 550 collaborateurs.
- 2021 : Rachat de Valinox Nucléaire, usine de tubes pour générateurs de vapeur à Montbéliard.
- 2022 : Acquisition de CETh, spécialiste du traitement thermique post-soudage, et des activités énergie et défense d’Efinor à Cherbourg.
- 2024 : Partenariat avec Naval Group pour reprendre Jeumont Electric, fabricant de moteurs électriques.
- 2025 : Acquisition conjointe avec TechnicAtome de Daher Valves (rebaptisée Vanatome) et de la partie française de Velan (Valserve).
Chaque acquisition vise à sécuriser un maillon précis de la chaîne de valeur nucléaire. En investissant dans Selectarc, Framatome s’assure un contrôle accru sur les matériaux critiques, tout en permettant à la PME de renforcer ses capacités de production.
Pourquoi Les Métaux D’Apport Sont-Ils Si Importants ?
Les métaux d’apport, bien que souvent méconnus du grand public, jouent un rôle crucial dans l’industrie nucléaire. Ils servent à assembler les composants des réacteurs, à les réparer ou à les renforcer par rechargement. Leur qualité est essentielle, car une soudure défectueuse peut compromettre la sécurité d’une centrale. Selectarc, avec son expertise unique, répond à ces exigences grâce à des alliages spécifiques, souvent communs mais avec des caractéristiques très strictes, comme un faible taux d’impuretés.
Ces matériaux sont également utilisés dans d’autres secteurs exigeants, comme la défense, l’aéronautique et l’espace. Par exemple, Selectarc a fourni des métaux d’apport pour la sonde indienne Chandrayaan-3, qui a aluni en août 2023. Cette prouesse illustre le savoir-faire de l’entreprise et son rayonnement international.
Un Impact Local Et Global
L’investissement de Framatome dans Selectarc a des répercussions bien au-delà du secteur nucléaire. À l’échelle locale, il renforce l’emploi dans le Territoire de Belfort et le Doubs, où Selectarc emploie 145 personnes. Cette opération soutient également la réindustrialisation de la Franche-Comté, une région historiquement industrielle.
Sur le plan global, ce partenariat illustre la volonté de la France de redevenir un leader incontesté du nucléaire. En sécurisant ses fournisseurs, Framatome contribue à la souveraineté énergétique et à la compétitivité de la filière face à des acteurs internationaux, notamment asiatiques et américains.
Les Défis À Venir Pour Selectarc
Grâce à cet investissement, Selectarc va pouvoir accélérer la modernisation de ses installations et la digitalisation de ses processus. Ces évolutions sont cruciales pour répondre aux attentes croissantes de l’industrie nucléaire, où la précision et la sécurité sont non négociables. L’entreprise prévoit également de renforcer sa présence sur les marchés internationaux, en s’appuyant sur ses filiales étrangères.
Un autre défi majeur est celui de l’attractivité des métiers industriels. Selectarc, comme beaucoup d’entreprises du secteur, mise sur la formation et la polyvalence de ses équipes pour séduire les nouvelles générations. L’ouverture prochaine d’un centre de formation pour ses clients et distributeurs en est un exemple concret.
Une Vision À Long Terme
Ce partenariat entre Framatome et Selectarc n’est pas qu’une question de parts de capital. Il incarne une vision d’avenir où la France mise sur l’innovation et la souveraineté pour relever les défis énergétiques du XXIe siècle. En renforçant sa chaîne d’approvisionnement, Framatome prépare le terrain pour des projets ambitieux, comme la construction de nouveaux réacteurs EPR ou le développement de réacteurs modulaires de petite taille.
Pour Selectarc, cette alliance ouvre la voie à une croissance durable et à un rayonnement accru, tout en consolidant son rôle dans des secteurs stratégiques. Le nucléaire, souvent perçu comme un domaine technique et austère, devient ici un symbole de collaboration et d’ambition industrielle.
Conclusion : Une Étape Vers L’Indépendance Énergétique
L’entrée de Framatome au capital de Selectarc est bien plus qu’une opération financière. C’est un signal fort envoyé au monde : la France investit dans son avenir énergétique et industriel. En sécurisant des savoir-faire uniques et en renforçant sa filière nucléaire, elle se positionne comme un acteur clé de la transition énergétique. Mais ce n’est que le début. Quels seront les prochains maillons de cette chaîne d’innovation ? L’avenir nous le dira.