
Proxy Advisors : Acteurs Clés des AG
Avez-vous déjà entendu parler des proxy advisors ? Ces acteurs, souvent méconnus du grand public, jouent un rôle déterminant dans les coulisses des grandes entreprises cotées. En 2024, leur influence a fait trembler les conseils d’administration, comme lorsque trois d’entre eux ont recommandé de rejeter la rémunération faramineuse de 36,5 millions d’euros de l’ex-PDG de Stellantis, Carlos Tavares. Mais qui sont ces conseillers en vote, et pourquoi suscitent-ils autant de débats ? Plongeons dans l’univers des proxy advisors, ces poils à gratter des sociétés cotées, pour comprendre leur impact, leurs forces et les critiques qu’ils soulèvent.
Les Proxy Advisors : Qui Sont-Ils et Que Font-Ils ?
Les proxy advisors sont des agences spécialisées qui guident les investisseurs institutionnels lors des assemblées générales (AG) des entreprises cotées. Leur mission ? Analyser les résolutions proposées par les conseils d’administration – comme les politiques de rémunération, les nominations de dirigeants ou les stratégies ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) – et fournir des recommandations de vote. Ces conseils, souvent décisifs, permettent aux actionnaires, parfois éloignés des réalités opérationnelles, de prendre des décisions éclairées. En 2025, leur rôle n’a jamais été aussi crucial, alors que les enjeux de gouvernance et de durabilité dominent les débats.
Deux géants dominent ce marché : les américains ISS (Institutional Shareholder Services, fondé en 1985) et Glass Lewis (créé en 2003). Ensemble, ils contrôlent environ 90 % du marché aux États-Unis et forment un quasi-duopole mondial. Leur influence est telle qu’une recommandation défavorable peut faire basculer une résolution, comme on l’a vu avec Stellantis. Mais cette puissance suscite des interrogations : ces agences sont-elles des alliés de la bonne gouvernance ou des obstacles pour les entreprises ?
Un Rôle Essentiel dans la Gouvernance
Pour comprendre l’importance des proxy advisors, il faut se pencher sur leur contribution à la gouvernance d’entreprise. En amont des AG, ils passent au crible des milliers de résolutions, évaluant leur pertinence et leur alignement avec les intérêts des actionnaires. Leur travail permet de combler un vide : les investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension ou les gestionnaires d’actifs, manquent souvent de temps ou d’expertise pour analyser chaque proposition en détail. Les proxy advisors deviennent alors leurs yeux et leurs oreilles.
« Les proxy advisors ont souvent été, avec nous, les seuls à hausser le ton pour tirer la gouvernance vers le haut. »
– Astrid Milsan, secrétaire générale adjointe de l’Autorité des marchés financiers
Cette citation illustre leur rôle de contre-pouvoir. En pointant du doigt des rémunérations excessives ou des pratiques contraires aux principes ESG, ils obligent les entreprises à plus de transparence. Par exemple, en 2024, les recommandations contre la rémunération de Carlos Tavares ont envoyé un signal fort : même les PDG les plus en vue ne sont pas à l’abri d’un contrôle rigoureux.
Les Critiques : Un Système à Double Tranchant
Malgré leur utilité, les proxy advisors ne font pas l’unanimité. Les entreprises cotées, comme Veolia, expriment des frustrations croissantes. Helman le Pas de Sécheval, secrétaire général de Veolia, résume bien le paradoxe : « Ces agences sont-elles utiles ou problématiques ? Les deux ! » Voici les principales critiques formulées à leur encontre :
- Conflits d’intérêts : Les proxy advisors offrent des services de conseil aux entreprises tout en guidant les investisseurs, créant un risque de partialité.
- Méthodologies standardisées : Leurs évaluations, notamment sur les rémunérations ou les politiques ESG, sont souvent accusées d’être trop rigides, ignorant les spécificités de chaque entreprise.
- Manque de dialogue : Les entreprises souhaiteraient accéder aux bases de clients des agences pour répondre à leurs recommandations, mais cette transparence reste limitée.
Ces critiques ne sont pas anodines. Une note de l’Institut Messine, publiée en 2025, souligne que les méthodologies des proxy advisors manquent parfois de profondeur, notamment dans l’analyse des enjeux ESG. Par exemple, une entreprise peut être pénalisée pour des critères environnementaux sans que son contexte sectoriel soit pleinement pris en compte. Ce « one-size-fits-all » agace les dirigeants, qui y voient une menace pour leur autonomie stratégique.
Un Duopole Dominant : ISS et Glass Lewis
Le marché des proxy advisors est dominé par deux acteurs : ISS et Glass Lewis. Leur position quasi monopolistique leur confère une influence considérable, mais elle alimente aussi les tensions. Par exemple, ISS est critiqué pour son opposition systématique à la réunion des fonctions de PDG et de président du conseil d’administration, une pratique courante en Europe mais mal vue aux États-Unis. Cette divergence culturelle crée des frictions, notamment pour des groupes comme Veolia, qui défendent des modèles de gouvernance adaptés à leur contexte.
Pour illustrer leur impact, prenons un cas concret. En 2024, les recommandations de vote contre la rémunération de Carlos Tavares chez Stellantis ont fait couler beaucoup d’encre. Les actionnaires, influencés par ces conseils, ont exprimé leur mécontentement, mettant en lumière les écarts de rémunération dans le secteur automobile. Ce cas montre à quel point une simple recommandation peut bouleverser les dynamiques d’une AG.
Proxy Advisors et ESG : Un Équilibre Délicat
Les politiques ESG sont au cœur des préoccupations des proxy advisors. Ils évaluent la performance des entreprises en matière de durabilité, d’inclusion sociale et de gouvernance, mais leurs méthodes suscitent des débats. Selon l’Institut Messine, les critères ESG des proxy advisors sont parfois perçus comme un « affichage » plutôt qu’une analyse approfondie. Une entreprise peut être jugée sur des indicateurs génériques, sans tenir compte de ses efforts spécifiques ou de ses contraintes sectorielles.
Pourtant, leur rôle dans la promotion de pratiques durables est indéniable. En 2025, les proxy advisors ont poussé des entreprises à adopter des objectifs climatiques plus ambitieux, influençant des secteurs comme l’énergie ou l’automobile. Mais ce zèle peut aussi compliquer la tâche des entreprises, qui doivent jongler entre conformité aux recommandations et préservation de leur stratégie à long terme.
Vers une Évolution du Rôle des Proxy Advisors ?
Face aux critiques, les proxy advisors sont-ils condamnés à rester des poils à gratter ? Pas nécessairement. Certains experts appellent à une réforme de leurs pratiques pour renforcer leur légitimité. Voici quelques pistes envisagées :
- Transparence accrue : Permettre aux entreprises d’accéder aux données et aux clients des agences pour un débat plus équilibré.
- Méthodologies adaptées : Développer des critères d’évaluation plus flexibles, tenant compte des spécificités sectorielles.
- Régulation renforcée : Encadrer les conflits d’intérêts pour garantir l’indépendance des recommandations.
Ces évolutions pourraient apaiser les tensions tout en préservant le rôle essentiel des proxy advisors. En attendant, leur influence ne faiblit pas. En 2025, les AG des grandes entreprises françaises, comme celles de Veolia ou Stellantis, continueront d’être scrutées à la loupe, avec des proxy advisors au cœur des débats.
Un Acteur Clé pour les Start-ups Cotées
Si les proxy advisors sont souvent associés aux grands groupes, leur impact concerne aussi les start-ups cotées. Ces jeunes entreprises, souvent en quête de crédibilité auprès des investisseurs, doivent naviguer dans un écosystème où chaque résolution compte. Une recommandation défavorable peut freiner leur accès au capital ou nuire à leur image. À l’inverse, un soutien des proxy advisors peut renforcer leur attractivité, en signalant une gouvernance solide.
Pour une start-up comme ISS Glass Lewis, spécialisée dans le conseil en vote, l’enjeu est double : consolider sa position sur un marché dominé par les géants tout en répondant aux attentes des investisseurs et des entreprises. Leur expertise pourrait devenir un atout pour les start-ups cherchant à se démarquer dans des secteurs compétitifs comme la tech ou la santé.
Conclusion : Une Influence à Double Tranchant
Les proxy advisors sont bien plus que de simples conseillers. Ils incarnent un contre-pouvoir indispensable dans un monde où la gouvernance d’entreprise est sous pression. Leur capacité à influencer les votes en AG en fait des acteurs incontournables, mais leur approche suscite des débats légitimes. Entre conflits d’intérêts, méthodologies rigides et manque de dialogue, les critiques ne manquent pas. Pourtant, leur rôle dans la promotion de la transparence et des pratiques ESG reste crucial.
Pour les entreprises, qu’il s’agisse de géants comme Veolia ou de start-ups cotées, les proxy advisors sont à la fois un défi et une opportunité. En 2025, leur influence continuera de façonner les AG, pour le meilleur et pour le pire. Une chose est sûre : ignorer leur impact serait une erreur stratégique.