Fleet Space Découvre un Gisement de Lithium Géant
Imaginez pouvoir regarder à travers la Terre comme à travers une vitre, repérer des trésors enfouis à des kilomètres de profondeur et indiquer aux foreuses l’endroit exact où creuser… sans perdre des années et des millions. Ce qui relevait de la science-fiction il y a cinq ans est en train de devenir réalité grâce à une startup australienne peu connue du grand public : Fleet Space Technologies.
Le 24 novembre 2025, l’entreprise a annoncé une découverte qui fait déjà trembler le petit monde de l’exploration minière : un gisement de lithium potentiellement colossal au Québec, détecté depuis l’espace en un temps record. Retour sur une révolution qui pourrait changer la donne pour la transition énergétique.
Quand les satellites remplacent les années de forage
Trouver un gisement économiquement viable est l’un des paris les plus risqués de l’industrie minière. Sur 1 000 anomalies détectées, seules trois environ deviennent des mines rentables. Le processus classique ? Des campagnes géophysiques au sol, des milliers de carottes de forage, des analyses en laboratoire… et souvent dix à quinze ans avant de savoir si le jeu en valait la chandelle.
Fleet Space propose une méthode radicalement différente. La société a placé en orbite une constellation de petits satellites équipés de capteurs très particuliers : gravimètres ultra-sensibles et systèmes d’acquisition de données électromagnétiques. Ces engins scrutent le sous-sol terrestre depuis 550 km d’altitude et renvoient les données en temps quasi réel.
Une fois sur Terre, ces données brutes sont injectées dans une plateforme d’intelligence artificielle propriétaire baptisée ExoSphere. Résultat ? En 48 heures à peine, l’algorithme est capable de dire : « Creusez ici, vous avez 87 % de chances de tomber sur du spodumène de haute qualité. »
« Nous passons d’une exploration à l’aveugle à une exploration chirurgicale. »
– Flavia Tata Nardini, CEO et cofondatrice de Fleet Space Technologies
Le projet Cisco : 329 millions de tonnes… et ce n’est pas fini
Le projet en question s’appelle Cisco et appartient à une junior minière canadienne. Les estimations préliminaires faisaient état d’un gisement déjà respectable. Mais après le passage des satellites de Fleet Space, la donne a changé du tout au tout.
Les modèles 3D générés par ExoSphere laissent entrevoir une ressource potentielle de 329 millions de tonnes d’oxyde de lithium (Li₂O). À titre de comparaison, c’est plus que les réserves prouvées et probables cumulées de tous les grands projets australiens actuels.
Mieux encore : les anomalies détectées dépassent largement les limites actuelles de la concession. Fleet Space parle ouvertement de district-scale potential, c’est-à-dire la possibilité que toute la région devienne un nouveau « Triangle du lithium » nord-américain.
Comment fonctionne vraiment cette technologie venue du ciel ?
Le principe repose sur deux phénomènes physiques complémentaires.
D’abord la gravimétrie passive : les corps rocheux contenant du lithium (spodumène ont une densité légèrement différente des roches encaissantes. Les satellites de Fleet Space mesurent les micro-variations du champ gravitationnel terrestre avec une précision jamais atteinte auparavant.
Ensuite l’électromagnétromagnétique ambiant : la Terre est constamment bombardée de signaux électromagnétiques naturels (orages, activité solaire…). Certaines roches conduisent mieux que d’autres. En cartographiant ces différences de conductivité depuis l’espace, on obtient une véritable radiographie du sous-sol jusqu’à plusieurs kilomètres de profondeur.
- Résolution verticale : jusqu’à 100 mètres
- Profondeur d’investigation : jusqu’à 3 km
- Temps de traitement des données : 48 heures maximum
- Réduction des forages inutiles : estimée : jusqu’à 90 %
Pourquoi cette découverte tombe au meilleur moment
Le monde est en pleine fièvre du lithium. Avec l’explosion des ventes de véhicules électriques (plus de 17 millions en 2024, objectif 65 millions en 2030), la demande explose tandis que l’offre patine. Les prix ont été multipliés par sept entre 2020 et 2022 avant de retomber, mais tous les analystes s’accordent : nous entrons dans une décennie de pénurie structurelle.
Dans ce contexte, chaque tonne supplémentaire compte. Surtout quand elle se trouve dans un pays stable, avec une électricité presque entièrement renouvelable (le Québec produit 99 % de son électricité à partir d’hydroélectricité) et des normes environnementales parmi les plus strictes au monde.
Au-delà du lithium, Fleet Space a déjà signé des contrats pour chercher du cuivre (indispensable aux réseaux électriques), du nickel, et même des terres rares. La technologie est agnostique : tant qu’il y a une signature géophysique, les satellites peuvent la détecter.
Vers une exploration minière durable ?
L’argument écologique est au cœur du discours de Fleet Space. En réduisant drastiquement le nombre de forages exploratoires, l’entreprise affirme pouvoir diviser par dix l’empreinte carbone de la phase de découverte.
Concrètement :
- Moins de routes temporaires en forêt
- Moins de consommation de diesel pour les foreuses
- Moins de déchets de carottage
- Identification plus rapide des zones à éviter (zones humides, habitats sensibles)
Des ONG restent prudentes – une mine reste une mine – mais reconnaissent que l’approche « precision mining » pourrait limiter les impacts les plus visibles.
Et demain ?
Fleet Space ne compte pas s’arrêter là. La constellation actuelle ne compte qu’une petite dizaine de satellites, mais l’entreprise prévoit d’en lancer plusieurs dizaines d’ici 2027. Objectif : couvrir la planète entière en continu et proposer des scans mensuels des zones d’intérêt.
Parallèlement, ExoSphere s’enrichit chaque jour de nouvelles données. Plus l’IA voit de gisements, plus elle devient précise. Un cercle vertueux classique du machine learning, mais appliqué ici à la géologie planétaire.
On peut même imaginer un futur où les États ou les grandes institutions commandent des « cartes au trésor » mondiales pour anticiper les tensions géopolitiques sur les métaux critiques. Un peu comme un Google Earth… mais pour ce qui se cache sous nos pieds.
En attendant, la découverte québécoise va entrer dans les livres d’histoire de l’exploration minière. Elle marque le moment où l’espace a commencé à creuser la croûte terrestre plus efficacement que des décennies de pioches et de foreuses.
Et quelque part dans l’orbite terrestre, de petits satellites continuent de scanner la planète, pixel par pixel, à la recherche du prochain jackpot vert.
