Rad Power Bikes en Faillite : Quel Avenir pour les VAE ?
Imaginez une entreprise qui, il y a encore quelques années, faisait rêver des centaines de milliers de citadins avec des vélos électriques robustes, accessibles et véritablement utiles au quotidien. Aujourd’hui, cette même entreprise se retrouve au bord du gouffre, contrainte de demander la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. C’est l’histoire récente de Rad Power Bikes, l’un des acteurs les plus emblématiques du marché du vélo à assistance électrique outre-Atlantique.
Quand le rêve électrique rencontre la réalité économique
Le 17 décembre 2025, la nouvelle est tombée comme un couperet dans le petit monde de la micromobilité : Rad Power Bikes a officiellement déposé une demande de protection au titre du chapitre 11. L’entreprise, qui avait su séduire un public très large grâce à des modèles à la fois solides et abordables, cherche désormais activement un repreneur sérieux dans un délai compris entre 45 et 60 jours.
Contrairement à une liquidation pure et dure, le chapitre 11 permet à l’entreprise de poursuivre ses activités pendant la restructuration. Une lueur d’espoir donc, mais aussi beaucoup d’incertitudes pour les clients, les employés et les fournisseurs qui ont accompagné l’aventure depuis ses débuts.
Une ascension fulgurante suivie d’un retournement brutal
Il fut un temps où Rad Power Bikes incarnait à merveille le boom post-pandémique des vélos électriques. Entre 2019 et 2022, la société a connu une croissance exceptionnelle, portée par la recherche d’alternatives à la voiture individuelle, la flambée des prix des carburants et un engouement général pour les mobilités douces.
Le modèle économique reposait alors sur une stratégie très claire : proposer des vélos électriques direct-to-consumer, sans intermédiaires, avec des prix agressifs et une communication très efficace sur les réseaux sociaux. Cette approche a permis à Rad de devenir l’un des leaders incontestés du marché américain, devant même certains constructeurs historiques.
« Cette étape nous permet de continuer à opérer normalement tout en recherchant la meilleure issue possible pour toutes les personnes qui comptent sur Rad au quotidien. »
– Porte-parole de Rad Power Bikes, décembre 2025
Mais comme souvent dans le monde des startups technologiques, la croissance rapide a masqué des fragilités structurelles qui se sont révélées au grand jour lorsque le vent a tourné.
Les signaux d’alerte qui s’accumulaient
Dès le milieu de l’année 2024, plusieurs indices laissaient présager des difficultés. Plusieurs vagues de licenciements ont touché l’entreprise, signe que les marges se réduisaient dangereusement. Puis, en 2025, changement majeur à la tête de la société avec l’arrivée de Kathi Lentzsch, une dirigeante expérimentée dans la restructuration d’entreprises en difficulté.
Son mandat s’est traduit par un virage stratégique majeur : abandon progressif du modèle 100 % direct-to-consumer au profit d’un développement plus important via les réseaux de distribution traditionnels. Une décision logique sur le papier, mais qui demande du temps et surtout… des liquidités importantes.
- Fin 2024 : premières rumeurs sérieuses de difficultés financières
- Mi-2025 : changement de CEO et virage vers la distribution physique
- Novembre 2025 : annonce d’un possible sauvetage qui finalement échoue
- 17 décembre 2025 : dépôt de bilan chapitre 11
Quelques semaines seulement avant le dépôt de bilan, un autre coup dur est venu s’ajouter à la liste : un avertissement public de la Consumer Product Safety Commission (CPSC) concernant un risque d’incendie sur certaines anciennes batteries. Même si Rad Power a contesté vigoureusement la formulation de cet avertissement, l’impact sur la confiance des consommateurs a été immédiat.
Des facteurs externes qui ont pesé lourd
Si les choix stratégiques internes ont clairement joué un rôle, il serait injuste de ne pas mentionner les vents contraires qui ont soufflé sur tout le secteur de la micromobilité ces dernières années.
Parmi ces éléments, les tarifs douaniers imposés sur les composants chinois constituent un poids particulièrement lourd. Selon les documents déposés au tribunal, Rad Power devait plus de 8 millions de dollars à l’agence américaine des douanes et de la protection des frontières, une créance que l’entreprise conteste. Mais même contestée, cette somme représente une charge financière significative pour une société déjà fragilisée.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une entreprise de micromobilité américaine est mise à genoux par ces mêmes tarifs. On se souvient notamment du cas emblématique de Boosted Boards, pionnier des skates électriques, qui n’avait pas survécu aux surcoûts engendrés par ces mesures protectionnistes.
Leçons à tirer pour tout l’écosystème VAE
La situation de Rad Power Bikes n’est malheureusement pas un cas isolé. VanMoof aux Pays-Bas, Cake en Suède… plusieurs acteurs majeurs du vélo électrique ont connu des dépôts de bilan ces dernières années, avant parfois de renaître sous une nouvelle forme grâce à un repreneur.
Ces restructurations successives dessinent les contours d’un marché en pleine recomposition, où les modèles économiques fondés exclusivement sur la croissance rapide et les levées de fonds massives montrent aujourd’hui leurs limites.
Les gagnants de demain seront probablement ceux qui auront su :
- Diversifier leurs canaux de distribution
- Maîtriser leur chaîne d’approvisionnement
- Proposer des produits irréprochables sur le plan de la sécurité
- Anticiper les évolutions réglementaires et géopolitiques
- Construire une relation durable avec leurs clients
Et maintenant ? Perspectives pour Rad et pour le marché
Dans les semaines à venir, de nombreux regards seront tournés vers Rad Power Bikes. Plusieurs scénarios sont possibles : reprise par un industriel du cycle déjà établi, rachat par un fonds d’investissement spécialisé dans les retournements, voire – dans le pire des cas – un démantèlement partiel de l’activité.
Quelle que soit l’issue, cette faillite marque un tournant pour le secteur du vélo électrique abordable en Amérique du Nord. Elle rappelle aussi que même dans un marché porteur comme celui de la transition vers des mobilités plus douces, la vigilance reste de mise et que la solidité financière demeure la condition sine qua non de la survie à long terme.
Pour les milliers de propriétaires de Rad Power Bikes, l’espoir est que cette période de transition soit la plus courte possible, afin que le service après-vente, les mises à jour et la disponibilité des pièces restent assurés. Pour le reste du secteur, c’est une invitation à tirer les enseignements d’une belle success story qui a failli s’arrêter net.
Le vélo électrique n’a sans doute jamais été aussi pertinent qu’aujourd’hui. Mais pour que cette révolution se poursuive, il faudra que les acteurs du marché apprennent collectivement des difficultés que traverse actuellement l’un de leurs porte-drapeaux les plus emblématiques.