Boeing en Difficulté : Un Géant Aéronautique Trop Grand pour Sombrer
Le secteur aéronautique connaît des turbulences sans précédent, et même les géants semblent vaciller. C'est le cas de Boeing, mastodonte américain de l'aviation civile et militaire, qui traverse actuellement une zone de fortes perturbations. Enlisé dans les difficultés depuis le double crash du 737 MAX en 2019, le constructeur fait face à une montagne de dettes et doit composer avec une grève massive de ses salariés. Pourtant, malgré ces vents contraires, Boeing semble trop grand pour réellement s'écraser. Décryptage d'une crise hors normes.
Boeing pris dans la spirale infernale de la dette
Les chiffres donnent le vertige. Depuis 2019, Boeing a accumulé plus de 30 milliards de dollars de pertes. Le groupe croule sous une dette abyssale de 58 milliards de dollars, à mettre en regard d'un chiffre d'affaires de "seulement" 78 milliards en 2023. Un ratio inquiétant qui fait dire à certains observateurs que Boeing est au bord du gouffre financier.
Cette situation catastrophique est en grande partie l'héritage de l'affaire du 737 MAX, cloué au sol pendant de longs mois suite à deux crashs mortels en 2018 et 2019. Un épisode noir qui a grandement terni la réputation du constructeur et fait chuter les commandes. Depuis, Boeing peine à redresser la barre financièrement.
Le conflit social plombe davantage les comptes
Comme si cela ne suffisait pas, une grève massive s'est déclarée chez Boeing à la mi-septembre. Plus de 30 000 salariés ont cessé le travail pour obtenir des revalorisations salariales, après des années de disette due à la crise traversée par le groupe. Un mouvement social d'ampleur qui paralyse la production des programmes phares comme le 737, le 767 ou le 777. Selon les estimations, ce conflit pourrait coûter plus d'un milliard de dollars par mois à Boeing !
"Le coût pour l'entreprise sera supérieur à 1 milliard de dollars par mois."
– Richard Aboulafia, expert aéronautique chez AeroDynamic Advisory
Le spectre d'une dégradation en catégorie spéculative
Conséquence logique de ces déboires à répétition, la notation financière de Boeing est sous pression. Mi-septembre, en raison de la grève, Moody's Ratings a placé la note de crédit du groupe sous surveillance négative. Cela signifie que Boeing pourrait basculer dans la catégorie spéculative, autrement dit celle des obligations pourries. Une perspective peu réjouissante pour le constructeur, qui verrait alors le coût de ses emprunts s'envoler.
Trop grand, trop important pour sombrer
Malgré cette tempête financière, les experts s'accordent sur un point: Boeing est trop gros, trop important pour faire faillite. Ses immenses difficultés ne menacent pas réellement sa survie.
Un acteur incontournable du duopole aéronautique
La meilleure assurance-vie de Boeing, c'est le duopole qu'il forme avec Airbus sur le marché de l'aviation commerciale. À eux deux, les géants se partagent la quasi-totalité du gâteau, rendant Boeing incontournable malgré ses déboires. Avec un carnet de commandes de 5 500 avions, soit 440 milliards de dollars, Boeing a de quoi voir venir, même si son concurrent européen fait mieux.
"L'attractivité de Boeing à long terme n'est pas remise en cause."
– Pascal Fabre, expert aéronautique chez AlixPartners
Vital pour l'économie et la défense américaines
Boeing est également un acteur majeur de l'économie américaine. Le groupe est l'un des plus gros exportateurs du pays et un fournisseur clé du Pentagone. Sa faillite aurait des répercussions considérables sur le PIB et la balance commerciale des États-Unis. Une hypothèse inenvisageable pour le gouvernement américain, qui n'hésitera pas à voler au secours de ce fleuron national si besoin.
Toujours la confiance des investisseurs
Enfin, en dépit de ses énormes difficultés, Boeing conserve la confiance des investisseurs. La preuve : le groupe n'a eu aucun mal à lever 10 milliards de dollars de dette en avril dernier. Les marchés parient toujours sur un redressement industriel et financier de cet acteur jugé trop important pour qu'on le laisse sombrer.
"Boeing peut sans difficulté lever de la dette, et quand le groupe parviendra à augmenter ses cadences de production, il trouvera tout l'argent dont il aura besoin."
- Richard Aboulafia, expert aéronautique chez AeroDynamic Advisory
Menace sur la supply chain
Boeing ne peut pas tomber, mais il peut en revanche faire trébucher ses sous-traitants. La grève qui paralyse ses usines l'a contraint à couper les commandes de pièces auprès de ses fournisseurs. Une situation périlleuse pour tout l'écosystème aéronautique qui dépend des géants comme Boeing ou Airbus.
En conclusion, même s'il traverse la pire crise de son histoire, Boeing semble trop grand pour disparaître. Son statut d'acteur central de l'aéronautique civile et militaire lui offre une forme d'immunité, avec le soutien inconditionnel des marchés financiers et du gouvernement américain. Le géant de Seattle doit néanmoins rapidement résoudre ses difficultés industrielles et apaiser le climat social s'il veut retrouver son altitude d'antan. Un défi immense pour ce mastodonte qui semble avoir perdu le mode d'emploi de la réussite.
