Diriger avec incompétence : la kakistocratie en entreprise
Imaginez une entreprise dirigée par des personnes promues uniquement par loyauté ou réseau, au mépris de leurs compétences réelles. Des managers incapables de prendre les bonnes décisions, projetant une image calamiteuse auprès des équipes et des clients. C'est malheureusement le cas dans de trop nombreuses structures, rongées par ce que la professeure Isabelle Barth appelle la "kakistocratie", ou le règne des incompétents. Un phénomène dévastateur qui érode la motivation et les performances, générant une immense souffrance chez les salariés. Décryptage d'un mal pernicieux et pistes de solutions pour y remédier.
Quand l'incompétence devient la norme
D'après Isabelle Barth, professeure en management, la kakistocratie se manifeste quand un salarié a le sentiment que l'incompétence est généralisée et même valorisée dans son entreprise, notamment au travers des promotions. Les personnes nommées manquent clairement des compétences et de la légitimité pour le poste, provoquant désarroi et colère chez leurs subordonnés.
Cette situation peut s'observer dans différents cas de figure :
- Quand les recrutements internes privilégient la loyauté et le "copinage" au détriment des compétences réelles.
- Quand un manager préfère promouvoir un profil moins qualifié pour éviter d'être "éclipsé" par un collaborateur trop brillant.
- Quand le recours excessif aux consultants masque en réalité l'incompétence de l'équipe dirigeante.
- Dans certaines administrations où les promotions se font sur concours déconnectés de la réalité des postes.
Des dégâts considérables sur le long terme
Au-delà de la démotivation immédiate des équipes, la kakistocratie produit des ravages durables dans les organisations. Les décisions prises sont souvent inadaptées voire contre-productives, les incompétents n'ayant pas les capacités d'analyse et de projection nécessaires. L'image de l'entreprise en pâtit fortement, tant en interne qu'auprès des clients et partenaires. La crédibilité et la réputation sont entachées.
Être dirigé par des incompétents génère une réelle souffrance. Les salariés concernés peuvent ressentir un profond sentiment de honte, avec l'impression de cautionner malgré eux cette incompétence institutionnalisée.
– Isabelle Barth, professeure en management
Sur le long terme, les meilleurs éléments, écœurés, finissent par quitter le navire. Ne restent alors que les médiocres et les résignés, dans une spirale très difficile à enrayer. La performance globale de l'entreprise s'en trouve durablement obérée.
Féminiser les équipes dirigeantes, une piste de solution ?
Pour lutter contre ce fléau, Isabelle Barth avance plusieurs pistes. D'abord, poser un diagnostic clair et objectif, en recensant les preuves tangibles de kakistocratie. Ensuite, prendre des mesures fortes, comme un renouvellement de l'équipe de direction. Une féminisation accrue est également une voie intéressante :
Les femmes ont un rapport différent à la compétence et à la légitimité. Elles sont plus susceptibles de chercher à être compétentes avant d'accepter une promotion.
– Isabelle Barth, professeure en management
Autre levier à explorer : changer de paradigme sur l'incompétence. Plutôt que de s'arc-bouter sur une vision étroite de la compétence, il faut chercher à détecter les potentiels, en étant à l'écoute et en accordant du temps. Ce qui peut apparaître comme de l'incompétence peut en réalité masquer des aptitudes atypiques ou mal exploitées.
Détecter et combattre la kakistocratie est un enjeu vital pour toute entreprise soucieuse de sa pérennité et de sa performance. Cela demande lucidité, courage et créativité de la part des dirigeants. L'enjeu est de taille : construire une organisation saine et apprenante, où la compétence est encouragée à tous les niveaux. Le bien-être des collaborateurs et la qualité de service aux clients en dépendent.