La ‘nanochauffée’, une révolution pour les transplantations d’organes
Imaginez pouvoir préserver un cœur, un rein ou un foie pendant des mois, voire des années, dans l'attente d'un receveur compatible. C'est la promesse révolutionnaire que porte la nouvelle technique de « nanochauffée ». Développée par des chercheurs des universités du Minnesota et de Californie à Riverside, cette avancée pourrait bien changer la donne dans le domaine des transplantations d'organes.
Un défi majeur : la préservation des organes
Actuellement, la méthode de référence pour conserver les organes avant une greffe est le stockage à froid statique. L'organe est refroidi entre 0 et 4°C dans une solution de préservation. Mais cette technique ne permet de garder les organes que pour une durée limitée, variant selon le type d'organe. Un cœur ne peut ainsi être conservé que 4 à 6 heures, tandis qu'un rein peut l'être jusqu'à 36 heures.
Cette contrainte de temps est un véritable casse-tête logistique et médical. Elle réduit considérablement les possibilités d'appariement entre donneurs et receveurs. Des milliers de patients en attente d'une greffe voient leurs chances diminuer faute d'organes disponibles au bon moment. Aux États-Unis, une personne s'ajoute à la liste d'attente nationale toutes les 8 minutes. Plus de 100 000 y sont actuellement inscrites.
La cryoconservation, une piste prometteuse mais délicate
Pour pallier ce problème, les scientifiques se sont tournés vers la cryoconservation, ou vitrification. Cette technique consiste à congeler les tissus à très basse température, autour de -150°C, tout en les protégeant des dommages liés à la formation de cristaux de glace grâce à des agents cryoprotecteurs. Les fluides restent alors dans un état vitreux, semblable au verre. Théoriquement, les organes peuvent ainsi être préservés pendant une durée illimitée.
Mais la cryoconservation comporte un défi majeur : la décongélation. Pour éviter la formation de cristaux de glace létaux lors du réchauffage, celui-ci doit être extrêmement rapide et uniforme dans tout l'organe. Un vrai casse-tête quand on sait qu'un rein humain pèse en moyenne 150 grammes. C'est là qu'intervient l'innovation de « nanochauffée ».
Des nanoparticules magnétiques comme source de chaleur interne
Les chercheurs ont eu l'idée d'utiliser des nanoparticules d'oxyde de fer enrobées de silice comme agent de chauffage interne. Lorsqu'elles sont exposées à un champ magnétique alternatif, ces nanoparticules génèrent de la chaleur par effet Joule, un phénomène aussi appelé hyperthermie magnétique. Elles agissent comme de minuscules radiateurs répartis dans tout l'organe.
Lors d'expériences préliminaires sur des tissus animaux, les scientifiques ont constaté une décongélation rapide et efficace. Mais ils craignaient que la répartition inégale des nanoparticules ne crée des points chauds localisés, endommageant les cellules. Ils ont alors mis au point un procédé en deux étapes pour régler ce problème.
Un réchauffage contrôlé en deux temps
Dans un premier temps, les tissus cryoconservés contenant les nanoparticules magnétiques sont réchauffés rapidement grâce au champ magnétique alternatif. Puis, à l'approche du point de fusion de l'agent cryoprotecteur, un second champ magnétique, horizontal cette fois, est appliqué. Il réaligne les nanoparticules et ralentit le chauffage de manière auto-régulée.
« Dans les zones de tissus contenant plus de nanoparticules, le chauffage ralentit plus rapidement. Cela dissipe nos craintes concernant l'apparition de points chauds dommageables ».
- Soutient l'auteur principal, le Dr John Bischof
Testé sur des artères carotides de porc, le procédé en deux étapes s'est montré sûr et efficace. Plus de 80% des cellules sont restées viables après une décongélation de quelques minutes seulement. De quoi redonner espoir aux patients en attente de greffe.
Un immense espoir pour les patients en attente
La possibilité de conserver des organes à long terme, couplée à une décongélation rapide et sûre ouvre des perspectives immenses :
- Des appariements bien plus nombreux entre donneurs et receveurs.
- La constitution de banques d'organes prêts à l'emploi.
- Du temps gagné pour préparer les patients à la greffe.
- Des transplantations mieux planifiées et sécurisées.
En définitive, ce sont des milliers de vies qui pourraient être sauvées chaque année grâce à la nanochauffée. Les chercheurs comptent maintenant affiner leur technique et mener des essais sur de plus gros organes, en vue d'une application clinique.
La médecine réparatrice est en passe de franchir un nouveau cap. Et c'est une fois de plus en mêlant audace, ingéniosité et persévérance que la science repousse les limites pour le bien de l'humanité. La nanochauffée n'est qu'un début, nul doute que l'avenir nous réserve d'autres prouesses dans la préservation et le partage de ce bien si précieux qu'est la vie.