La réindustrialisation à l’épreuve des défis actuels

Depuis plusieurs années, la France s'efforce de réindustrialiser son territoire, avec pour objectif de relocaliser les usines et redynamiser le secteur manufacturier national. Mais après des débuts prometteurs, ce mouvement semble aujourd'hui s'essouffler, confronté à de multiples obstacles. Retour sur les défis auxquels est confrontée l'industrie tricolore pour renouer avec la croissance dans un contexte économique agité.

Une réindustrialisation en demi-teinte

Depuis 2017, l'industrie française avait renoué avec la création d'emplois, générant un solde positif de 130 000 postes selon l'Insee. Près de 500 nouvelles usines ont également vu le jour sur notre territoire. Des signaux encourageants, fruit des différents plans de soutien et des relocalisations engagées par certaines entreprises.

Mais ces derniers mois, la dynamique positive s'est grippée. Sur les onze premiers mois de 2024, les fermetures de sites industriels ont été plus nombreuses que les inaugurations, une première depuis la crise sanitaire. Certains fleurons français comme Michelin ou Valeo ont annoncé des fermetures d'usine quand d'autres, à l'image de Duralex ou Ascométal, ont frôlé le dépôt de bilan. Le spectre de la désindustrialisation plane à nouveau...

Les causes du ralentissement

Comment expliquer cette panne de la réindustrialisation française ? Plusieurs facteurs se conjuguent :

• La hausse des coûts de l'énergie qui pèse sur la compétitivité, surtout face à des concurrents américains ou asiatiques bénéficiant de tarifs plus avantageux
• Le ralentissement de la demande en Europe lié à l'inflation qui pénalise les carnets de commande
• Des difficultés de recrutement de personnel qualifié
• Un tissu industriel français fragilisé par des années de délocalisations

Résultat, les usines françaises tournent en moyenne à 75% de leurs capacités selon la Banque de France. Et les nouveaux projets d'investissements marquent le pas, à l'image du report du projet de décarbonation d'Arcelor-Mittal à Dunkerque.

Un enjeu européen crucial

Au-delà de l'Hexagone, c'est tout le Vieux continent qui voit son industrie menacée de décrochage. Face à la concurrence exacerbée des États-Unis et de la Chine, l'Europe doit muscler sa politique industrielle pour défendre ses intérêts.

L'Europe doit à tout prix éviter un nouvel appauvrissement de son tissu industriel

Stéphane Séjourné, Commissaire européen à l'industrie

Bruxelles promet des plans d'action pour les filières les plus exposées comme l'acier ou l'automobile. Un clean industrial deal est également sur la table pour soutenir la compétitivité et la décarbonation de l'outil productif européen.

Quels leviers actionner en France ?

Pour consolider sa réindustrialisation, la France va devoir déployer une politique ambitieuse et ciblée :

• Soutenir la compétitivité de ses entreprises industrielles, via des aides à la décarbonation, à l'innovation et à la formation
• Attirer les investissements étrangers en facilitant les procédures et en améliorant l'attractivité des territoires
• Valoriser le Made in France et les savoir-faire industriels nationaux
• Accompagner la transition des filières en difficulté comme l'automobile

Autant de chantiers qui nécessiteront une mobilisation de tous les acteurs et un cap clair sur le long terme. Pour redevenir une grande nation industrielle, la France a les atouts, à condition de se donner les moyens de ses ambitions dans la durée.

L'avenir de notre industrie et des centaines de milliers d'emplois qui en dépendent est en jeu. La réindustrialisation est un impératif économique, social et stratégique. Un défi majeur et urgent à relever pour ne pas revivre les affres de la désindustrialisation massive des dernières décennies.