L’IA au service de la lutte contre les émissions de CO2
Imaginez un monde où l'intelligence artificielle devient notre meilleure alliée pour préserver l'environnement. C'est le pari que font aujourd'hui les géants du numérique comme Google, Microsoft ou Amazon. Mais derrière les promesses ambitieuses, la réalité est plus nuancée selon certains experts et ONG.
L'IA, un levier de décarbonation pour les Gafam
Lors d'une conférence internationale organisée par l'Agence Internationale de l'Énergie début décembre, les mastodontes de la tech ont vanté les mérites de l'IA pour réduire notre empreinte carbone. Google a même avancé que l'IA pourrait contribuer à diminuer les émissions mondiales de CO2 de 5 à 10% d'ici 2030, soit l'équivalent de ce que rejette l'Union européenne en une année.
Parmi les cas d'usage mis en avant :
- Les itinéraires économes en carburant de Google Maps, qui auraient déjà permis d'éviter l'émission de 2,4 millions de tonnes de CO2
- Des cartes de prévision des traînées de condensation des avions pour American Airlines, réduisant ce phénomène polluant de 54% lors de vols tests
- L'optimisation de la consommation énergétique dans l'agriculture, les transports et la gestion de l'eau grâce à l'IA, avec un potentiel de -4% d'émissions selon Microsoft
Des chiffres à prendre avec des pincettes
Mais ces estimations optimistes laissent sceptiques certains observateurs. Pierre Terras, de l'ONG Beyond Fossil Fuels, dénonce une généralisation abusive :
Les exemples les plus concrets partagés pendant la conférence de l'AIE concernent plutôt l'amélioration des forages pétroliers et gaziers, qui peuvent aujourd'hui être réalisés de manière autonome par l'IA.
Pierre Terras, chargé de campagne à Beyond Fossil Fuels
Denis Trystram, chercheur chez Inria, soulève un autre point :
La mise en oeuvre de ces solutions IA à grande échelle va entraîner une obsolescence toujours plus importante de nos équipements informatiques. Sans parler de l'énergie considérable liée à la collecte et au traitement des données.
Denis Trystram, chercheur au sein de l'équipe Inria DataMove
Une explosion des émissions des géants de la tech
Car le revers de la médaille, c'est que le développement de l'IA a fait exploser la consommation énergétique des géants du numérique. Google a vu ses émissions bondir de 48% entre 2019 et 2023, Microsoft de 29% entre 2020 et 2023. Meta vient même d'annoncer la construction d'un centre de données de 2,2 gigawatts alimenté aux énergies fossiles pour ses besoins en IA.
L'IA sera-t-elle réellement un outil de décarbonation massif, ou servira-t-elle avant tout les intérêts économiques et la croissance des Gafam, au détriment de l'environnement ? Le débat est loin d'être tranché. Une chose est sûre, la technologie seule ne suffira pas. Il faudra des régulations, des évaluations indépendantes et un changement profond de notre modèle pour espérer que l'intelligence artificielle rime avec soutenabilité.