NestAI lève 100M€ avec Nokia pour l’IA Défense
Imaginez un drone qui prend seul ses décisions sur un champ de bataille enneigé, sans intervention humaine. Un système capable de coordonner des dizaines de robots autonomes tout en échappant aux brouillages russes. Ce n’est plus de la science-fiction : c’est exactement ce que prépare la Finlande, pays qui partage 1340 km de frontière avec la Russie.
Le 20 novembre 2025, en plein cœur du salon Slush à Helsinki, une annonce a fait l’effet d’une bombe dans le petit monde de la tech européenne : la startup NestAI lève 100 millions d’euros et s’associe à Nokia pour développer ce qu’ils appellent l’IA physique appliquée à la défense.
NestAI : la nouvelle pépite finlandaise qui veut armer l’Europe avec de l’intelligence
Derrière ce nom encore peu connu se cache une ambition démesurée : devenir le laboratoire européen de référence en physical AI, cette branche de l’intelligence artificielle qui ne se contente plus de parler ou d’écrire, mais qui agit dans le monde réel.
Et quand on parle de monde réel en 2025, cela signifie surtout véhicules sans pilote, robots terrestres, systèmes de commandement autonomes et plateformes de surveillance capables de fonctionner même en environnement contesté.
Le tour de table est à la hauteur de l’enjeu : 100 millions d’euros menés conjointement par Tesi (le fonds souverain finlandais) et… Nokia. Oui, le géant des télécoms que l’on croyait moribond fait un retour fracassant dans le jeu de la défense high-tech.
Peter Sarlin, l’homme qui a déjà vendu une IA pour 665 millions
Impossible de parler de NestAI sans évoquer son chairman : Peter Sarlin.
Ce serial entrepreneur finlandais a déjà réalisé le rêve de tout fondateur européen : vendre sa précédente startup, Silo AI, à AMD pour 665 millions de dollars en 2024. Au lieu de prendre sa retraite sur un yacht, il a décidé de remettre le couvert, cette fois dans un domaine bien plus… sensible.
« NestAI a dès le départ été conçue pour devenir le principal laboratoire européen d’IA physique et renforcer la souveraineté technologique du continent »
– Peter Sarlin, chairman de NestAI
Sarlin finance d’ailleurs le projet depuis plusieurs mois via son family office PostScriptum. Preuve que l’homme croit dur comme fer à sa nouvelle aventure.
Pourquoi la Finlande devient soudainement le hotspot de l’IA défense
La géographie explique beaucoup de choses.
Quand votre voisin s’appelle Vladimir Poutine et que vous partagez avec lui la plus longue frontière de l’Union européenne, la question de la défense n’est pas théorique. Elle est vitale.
Depuis l’invasion de l’Ukraine, Helsinki a multiplié les initiatives pour développer une industrie de défense technologique souveraine. NestAI s’inscrit parfaitement dans cette stratégie.
Déjà le mois dernier, la startup annonçait un partenariat avec les Forces de défense finlandaises pour accélérer l’adoption de l’IA. Le message est clair : la Finlande ne veut plus dépendre des solutions américaines ou chinoises pour protéger son territoire.
L’IA physique, c’est quoi exactement ?
Le terme commence à faire le tour des conférences tech, mais reste encore flou pour le grand public.
En résumé : c’est l’intelligence artificielle qui sort de l’écran pour interagir avec le monde physique. Contrairement aux grands modèles de langage comme ChatGPT, l’IA physique doit comprendre les lois de la physique, gérer l’incertitude du terrain, et prendre des décisions en temps réel avec des conséquences… potentiellement mortelles.
- Perception multi-capteurs (vision, lidar, radar, infrarouge)
- Planification de mouvements dans des environnements complexes
- Coordination de flottes de robots ou de drones
- Prise de décision éthique en situation de combat
- Résistance aux attaques électroniques et au brouillage
NestAI veut exceller dans tous ces domaines. Et ils ont les moyens de leurs ambitions.
Une équipe taillée pour la guerre (technologique)
La startup attire déjà des profils impressionnants.
On y trouve d’anciens ingénieurs d’Intel spécialisés dans les processeurs pour l’embarqué, des vétérans de Palantir (le logiciel préféré du renseignement américain), mais aussi des experts venus de géants européens de la défense comme Saab ou Kongsberg.
Cette mixture entre compétences IA de pointe et expérience défense réelle est extrêmement rare en Europe. C’est probablement ce qui a convaincu Nokia de mettre la main à la poche.
Nokia, le retour du géant dans le jeu stratégique
Longtemps considéré comme le grand perdant de la révolution smartphone, Nokia effectue une métamorphose spectaculaire.
Grâce à ses Nokia Bell Labs et ses infrastructures 5G/6G critiques, le groupe est devenu un acteur incontournable de la défense moderne. Les réseaux tactiques, les communications quantiques sécurisées, les bases militaires 5G privées : tout cela passe désormais par Nokia.
En s’associant à NestAI, le géant finlandais complète son offre : il ne fournit plus seulement la connectivité, il propose aussi l’intelligence qui va avec.
« Cette alliance marque une étape importante dans la sécurisation des capacités de défense et de la souveraineté européenne »
– Peter Sarlin
Vers une “Defense Valley” nordique ?
La question mérite d’être posée.
Entre Helsinki, Stockholm et Oslo, l’Europe du Nord concentre déjà plusieurs champions de la défense (Saab, Kongsberg, Patria) et commence à attirer massivement les talents IA. Avec ses salaires élevés, sa qualité de vie et sa stabilité politique, la région a tout pour devenir le nouveau hub de la defense tech européenne.
NestAI pourrait bien être le catalyseur de cette transformation.
Ce que cela signifie pour l’Europe technologique
Au-delà du cas NestAI, cette levée de fonds envoie un signal fort.
L’Europe est capable de produire des champions technologiques dans les domaines les plus stratégiques. Elle peut lever des centaines de millions pour des projets de souveraineté. Et elle peut le faire sans passer par la case Silicon Valley.
Dans un monde où la guerre en Ukraine a rappelé que la technologie peut faire la différence entre victoire et défaite, cette nouvelle fait figure d’électrochoc.
La question n’est plus de savoir si l’Europe aura sa propre IA de défense.
Elle est de savoir si elle arrivera à temps.
Avec NestAI et ses 100 millions fraîchement levés, la Finlande vient de prendre une longueur d’avance.