Sizewell C: Nouveau Nucléaire UK
Imaginez un chantier titanesque au bord de la mer, où des milliers d'ouvriers s'affairent pour ériger deux géants de béton et d'acier capables d'alimenter six millions de foyers en électricité propre. C'est exactement ce qui se passe à Sizewell, dans le Suffolk britannique, avec le projet Sizewell C. Lancé officiellement en juillet 2025, ce nouveau chapitre du nucléaire outre-Manche promet de révolutionner l'énergie du Royaume-Uni, mais pas sans défis.
Sizewell C : Un Pari Audacieux pour l'Énergie Britannique
Le gouvernement britannique a donné son feu vert final le 22 juillet 2025 pour un investissement massif dans Sizewell C. Ce projet, porté majoritairement par l'État, vise à installer deux réacteurs EPR sur un site existant. Avec une puissance totale de 3,2 GW, il s'inscrit dans la stratégie nationale pour atteindre 25 % d'électricité nucléaire d'ici 2050.
Mais derrière cette annonce se cache une histoire complexe, faite de partenariats reshufflés, de coûts explosés et d'innovations inattendues. Plongeons dans les détails de cette aventure qui pourrait bien inspirer d'autres nations en quête d'énergie décarbonée.
Qu'est-ce que Sizewell C Exactement ?
Sizewell C n'est pas une centrale comme les autres. Il s'agit de deux réacteurs de type EPR, la technologie française éprouvée à Flamanville. Implantés à côté des installations existantes de Sizewell A et B, ces nouveaux venus produiront assez d'électricité pour six millions de households britanniques.
Ce qui rend le projet unique, c'est son ambition environnementale. Un démonstrateur industriel capturera la vapeur rejetée pour piéger le CO2 atmosphérique. Grâce à un composé chimique solide, il vise à stocker 1,5 million de tonnes de CO2 par an. Une première mondiale intégrée à une centrale nucléaire !
Ce démonstrateur ambitionne de capturer 1,5 million de tonnes de CO2 par an grâce à un composé chimique solide qui agglomère le gaz à effet de serre pour le stocker.
– Partenaires du projet EDF et Université de Nottingham
Cette innovation pourrait transformer les centrales nucléaires en acteurs majeurs de la capture carbone, combinant production d'énergie propre et dépollution active.
Les Partenaires : Un Tour de Table Remanié
À l'origine, EDF devait financer 80 % du projet, avec le chinois CGN pour les 20 % restants. Mais sous pression géopolitique, CGN s'est retiré en 2022. EDF, incapable de porter seul le fardeau, a dû restructurer rapidement le financement.
Le sauvetage ? L'État britannique entre en force avec 44,9 % des parts. Suivent la Caisse de dépôt du Québec (20 %), Centrica (15 %), EDF réduit à 12,5 %, et Amber Infrastructure (7,6 %). Un consortium international pour un projet stratégique national.
- Gouvernement UK : 44,9 % – Actionnaire majoritaire
- Caisse de dépôt Québec : 20 % – Investisseur institutionnel
- Centrica : 15 % – Énergéticien britannique
- EDF : 12,5 % – Expertise technique
- Amber Infrastructure : 7,6 % – Fonds spécialisé
Cette nouvelle configuration protège EDF d'une exposition financière excessive tout en maintenant son rôle central dans la conception et l'exécution.
Rentabilité : Le Pari d'EDF
La question brûlante : Sizewell C sera-t-il rentable ? EDF l'affirme sans détour. Malgré les avertissements de la Cour des comptes française, le groupe promet un retour sur investissement dès le premier jour.
Le coût total ? 38 milliards de livres, soit environ 45 milliards d'euros. Pour EDF, l'exposition maximale reste à 1,27 milliard d'euros. Mais les bénéfices indirects sont colossaux pour la filière française.
Framatome forge les viroles des générateurs de vapeur. Arabelle Solutions fournit les turbo-alternateurs géants. Sans oublier les études d'ingénierie du circuit primaire. Des contrats de plusieurs milliards qui dopent l'industrie hexagonale.
Sizewell C va être cash positif dès le premier jour.
– Proche du dossier EDF
Comparé à Hinkley Point C, dont les coûts ont doublé, Sizewell bénéficie des leçons apprises. La réplication de design doit limiter les dérapages.
Le Chantier : Déjà en Marche
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le chantier n'attendait pas la décision finale. Depuis plus d'un an, les travaux préparatoires battent leur plein. Fouilles archéologiques, terrassement, construction d'usines à béton et de dessalement d'eau de mer.
Déjà 2,8 milliards d'euros de contrats signés avec 300 fournisseurs britanniques. Au pic de l'activité, 7900 personnes travailleront sur site. Au total, 70000 emplois bénéficieront des retombées économiques.
Une enveloppe de 288 millions d'euros finance logements et projets locaux. Si le calendrier tient, mise en service prévue pour 2033. Un défi logistique immense, mais structuré.
- Phase 1 : Travaux préparatoires (déjà lancés)
- Phase 2 : Construction principale post-2025
- Phase 3 : Tests et mise en service 2033
Innovations et Défis Techniques
Au-delà de la capture CO2, Sizewell C intègre de nombreuses avancées. Les EPR de troisième génération offrent une sécurité renforcée avec quatre systèmes de sauvegarde indépendants. La digitalisation du chantier permet un suivi en temps réel.
Le dessalement d'eau de mer pour le refroidissement minimise l'impact sur les ressources locales. Les turbo-alternateurs Arabelle, les plus puissants du monde, optimisent le rendement énergétique.
Mais les défis restent. Gestion des déchets radioactifs, acceptabilité locale, cybersécurité des installations. Chaque aspect requiert une expertise pointue.
Impact Économique et Social
Sizewell C transcende le simple projet énergétique. C'est un catalyseur de développement régional. Formation de milliers de techniciens, création de clusters industriels, attraction d'investissements étrangers.
Pour la France, c'est une vitrine technologique. Framatome et Arabelle Solutions renforcent leur position mondiale. Les retours d'expérience bénéficieront aux futurs EPR2 en France.
Sur le plan social, 250 millions de livres sterling soutiennent les communautés locales. Logements, écoles, infrastructures. Un modèle de développement intégré.
Comparaison avec Hinkley Point C
Hinkley Point C, le grand frère, a connu des déboires majeurs. Coûts passés de 20 à plus de 30 milliards de livres. Retards cumulés. Sizewell C apprend de ces erreurs.
Design répliqué à 90 %, supply chain optimisée, contrats mieux négociés. La Cour des comptes reste prudente, mais EDF assure avoir tiré les leçons.
Tableau comparatif :
| Critère | Hinkley Point C | Sizewell C |
| Coût initial | 20 Md£ | 20 Md£ |
| Coût actuel | >30 Md£ | 38 Md£ |
| Mise en service | 2027+ | 2033 |
| Part EDF | 66 % | 12,5 % |
Perspectives pour le Nucléaire Mondial
Sizewell C s'inscrit dans une renaissance nucléaire globale. Face au changement climatique, de nombreux pays relancent leurs programmes. La technologie EPR, malgré ses déboires initiaux, s'impose comme référence.
En Chine, les EPR de Taishan fonctionnent depuis 2018. En Finlande et France, les leçons sont intégrées. Sizewell pourrait devenir le modèle de réplication industrielle réussie.
Pour les startups, c'est une opportunité. Capture carbone, digitalisation, maintenance prédictive. Tout un écosystème d'innovation gravite autour du projet.
Les Critiques et Controverses
Tout n'est pas rose. Les associations environnementales dénoncent l'impact sur la biodiversité côtière. Les coûts faramineux interrogent sur la pertinence face aux renouvelables.
La dépendance à l'État britannique expose à des risques politiques. Que se passera-t-il en cas de changement de gouvernement ?
Mais les défenseurs soulignent : le nucléaire offre une énergie pilotable, complémentaire aux intermittentes. Essentiel pour la transition énergétique.
L'Avenir de Sizewell C
Si tout se passe bien, Sizewell C deviendra opérationnel en 2033. Il produira alors de l'électricité bas carbone pendant 60 ans. Avec la capture CO2, il contribuera activement à la neutralité carbone.
Pour EDF, c'est une renaissance britannique. Minoritaire mais incontournable. Pour le Royaume-Uni, un pilier de souveraineté énergétique.
Et pour nous tous ? Une preuve que l'innovation peut surmonter les défis du nucléaire moderne. Sizewell C n'est pas qu'une centrale. C'est un laboratoire grandeur nature pour l'énergie de demain.
Le chantier continue, les réacteurs montent, l'avenir s'écrit en béton armé et en rêves d'énergie propre. Restera-t-il dans les temps et les budgets ? L'histoire nous le dira. Mais une chose est sûre : Sizewell C marque un tournant dans la saga du nucléaire européen.