Startups : Libérer les liquidités avec ou sans introduction en bourse
Dans l'écosystème des startups, les introductions en bourse ne sont plus la seule voie royale pour libérer des liquidités. À l'heure où les licornes tech repoussent sans cesse leur entrée sur les marchés publics, de nouvelles stratégies émergent pour satisfaire les besoins de financement et de croissance. Ventes d'actions sur les marchés privés, méga-levées de fonds, focus sur la rentabilité : zoom sur ces tendances qui redessinent le paysage du capital-risque.
Le phénomène des tours de financement secondaires
Longtemps considérée comme un must avant de viser la rentabilité, l'introduction en bourse n'est plus un passage obligé pour de nombreuses pépites technologiques. Dernière illustration en date : la plateforme lituanienne Vinted, qui vient de boucler une vente d'actions secondaires valorisant la société à 5 milliards d'euros.
Cette opération, qui permet aux actionnaires historiques de céder une partie de leurs parts à de nouveaux investisseurs, s'inscrit dans une tendance de fond en Europe. De plus en plus de scale-ups privilégient ces "secondary shares sales" pour lever des fonds et assurer la liquidité de leur capital, sans passer par la case IPO.
Le marché des transactions secondaires sur le non coté a atteint des niveaux records. Il offre aux startups en hyper-croissance une alternative crédible pour financer leurs ambitions.
Eric Archambeau, General Partner chez Benchmark Europe
Pourquoi snober la bourse ?
Si certaines startups repoussent la perspective d'une IPO, c'est qu'elles y voient de nombreux avantages :
- Éviter la pression des résultats trimestriels et rester concentrées sur leur produit
- Conserver une gouvernance agile sans dépendre d'actionnaires externes
- Attraper au vol des valorisations élevées sur les marchés privés
Pour Zachariah Reitano, CEO de la licorne santé Ro, les bénéfices du statut privé ne cessent de grandir. Pas question pour autant de fermer définitivement la porte de la bourse, mais l'heure n'est clairement pas à l'IPO pour cette pépite valorisée 7 milliards de dollars.
Miser sur la rentabilité avant l'IPO
Dans le même esprit, la startup israélienne de cybersécurité Wiz compte bien franchir le cap du milliard de dollars de revenus récurrents annuels (ARR) avant d'envisager son baptême boursier. Un prérequis de plus en plus courant pour les jeunes sociétés tech, qui préfèrent prouver leur viabilité économique en amont.
Dans l'univers des startups, le milliard d'ARR est devenu le nouveau gold standard. C'est le seuil qui rassure sur la solidité du modèle et qui crédibilise une future cotation.
Philippe Botteri, Partner chez Accel
Illustration supplémentaire de ces nouvelles exigences : plusieurs pépites indiennes comme Groww délocalisent leur siège social dans leur pays d'origine. Objectifs : mieux se conformer à la réglementation locale et, in fine, simplifier leur potentielle introduction en bourse sur leur marché domestique.
L'essor des méga-levées de fonds pre-IPO
Pendant que certaines startups lèvent le pied sur les IPO, d'autres accélèrent sur les méga-tours de table pour financer leur hyper-croissance. Ces deals XXL impliquant des géants du capital-risque et des fonds souverains se multiplient, avec des montants atteignant couramment plusieurs centaines de millions d'euros.
La fintech américaine Finix vient ainsi de boucler un tour de 75 millions de dollars en série C. De quoi muscler son expansion internationale et étendre son offre de services de paiement, sans se précipiter en bourse. Même logique pour la plateforme d'IA Perplexity, qui serait actuellement en quête d'une levée de 500 millions de dollars.
Des fonds dédiés pour accompagner les startups matures
Pour répondre aux besoins spécifiques de ces futures licornes, de nouveaux véhicules d'investissement voient le jour. À l'image de Lux Capital qui vient de clôturer un fonds de 1,5 milliard de dollars ciblant les pépites en phase avancée. Ou encore de General Catalyst et ses 8 milliards levés pour soutenir les startups les plus prometteuses jusqu'à leur IPO.
La tendance est clairement au renforcement du "late stage" et du "growth equity". Les startups matures ont des besoins de financement exponentiels qu'il faut savoir accompagner avec des moyens massifs.
Franck Sebag, Partner chez EY
Une dynamique qui profite à l'écosystème tech européen dans son ensemble. Même si le montant des fonds levés reste encore inférieur à celui observé outre-Atlantique, les startups du Vieux Continent ont désormais à leur disposition une large palette d'options pour financer leur développement. Avec ou sans passage express par la case bourse.