
Michelin : L’échec des négociations salariales 2025
C'est un échec sans précédent dans l'histoire sociale de Michelin. Pour la première fois, aucun des quatre syndicats représentatifs du géant du pneumatique n'a accepté de signer les accords issus des négociations annuelles obligatoires (NAO) fixant les augmentations de salaires pour 2025. Un coup de tonnerre dans ce fleuron de l'industrie française réputé pour son dialogue social apaisé. Que s'est-il donc passé pour en arriver là ?
Des propositions salariales jugées insuffisantes
Cette année, la direction de Michelin proposait une enveloppe d'augmentations comprise entre 2% pour les cadres et 2,5% pour les ouvriers et techniciens. Des chiffres très en-deçà des attentes des organisations syndicales qui réclamaient unanimement 3,5% hors ancienneté et promotions, après les 5% obtenus en 2024.
Mais au-delà des pourcentages, c'est la répartition de ces augmentations qui a mis le feu aux poudres. En effet, sur les 2% prévus pour les cadres, seuls 1,25% devaient réellement servir à des hausses de salaires, le reste étant fléché vers les promotions. Concrètement, cela signifiait que la moitié des 7000 cadres de Michelin ne verraient pas leur rémunération progresser en 2025 !
La compétitivité européenne en question
Pour justifier ces propositions en demi-teinte, la direction de Michelin invoque un décrochage de la compétitivité de l'Europe par rapport à l'Asie et aux États-Unis. Un argument également avancé par le président du groupe Florent Menegaux lors d'une audition au Sénat. Pourtant, les résultats financiers sont au rendez-vous avec un taux de marge opérationnel supérieur à 12%.
On parle de salariés d'une entreprise qui réalise un taux de marge opérationnelle de 12 à 13 %, ce n'est pas fréquent dans l'industrie, les constructeurs sont plutôt à 3 ou 4 %.
Dominique Bourgois, délégué syndical CFE-CGC
La question explosive du partage de la valeur
Au cœur du conflit, il y a donc la question brûlante du partage de la valeur créée par l'entreprise. En 2024, Michelin a reversé à ses actionnaires pas moins de 75% de son résultat net sous forme de dividendes et rachats d'actions. Un niveau record que les syndicats jugent disproportionné au regard de la modération salariale demandée aux salariés.
Des relations sociales qui se crispent
L'échec de ces NAO survient dans un contexte déjà tendu. Les négociations sur les plans sociaux liés aux fermetures des usines de Cholet et Vannes se passent mal. La rémunération variable des cadres va être sérieusement rognée en raison du relèvement des seuils de déclenchement des bonus. Des économies qui sont mal vécues en interne.
Face à ce blocage inédit, la balle est désormais dans le camp de la direction de Michelin. Va-t-elle revoir sa copie ou passer en force au risque de dégrader durablement le climat social ? Si le scénario d'une année 2025 sans aucune augmentation semble peu probable, il n'est pas exclu que le géant du pneu revoie ses ambitions à la baisse. Le bras de fer ne fait que commencer.